Une affaire de cœur : La Tragédie d'une employée des P.T.T.

Trésors et curiosités

Alors que son compagnon Ahmed (Slobodan Aligrudic) est en voyage d’affaires, Izabela (Eva Ras), une téléphoniste, le trompe avec Mica (Miodrag Andric). Lorsque Ahmed revient, il trouve Izabela changée et, comprenant ce qu’il s’est passé durant son absence, s’attaque à elle. Parallèlement, la police enquête sur la noyade d’une jeune femme. 

Cinéaste yougoslave, Dusan Makavejev appartient à la "Vague noire" (nom donné par un critique membre du Parti communiste), mouvement semblable à ceux qui secouent le cinéma européen des années 60 et début 70. Ce courant se caractérise par son anticonformisme, son regard franc et critique sur la société de l’époque et son humour noir. La censure yougoslave y mettra fin dès 1972, l’accusant, avec raison, de pessimisme, de nihilisme et d’antisocialisme.

Une affaire de cœur : La Tragédie d'une employée des P.T.T. est le second film du cinéaste. Avec une lucidité cruelle, il y analyse les mœurs des Yougoslaves et le régime socialiste de l’époque de Tito, qui restreignait les libertés individuelles. Proche de la satire, le film confronte une histoire d’amour banale, qui se transformera bientôt en fait divers, avec les discours d’authentiques experts en sexologie, en médecine légale et en criminologie. Ces derniers s’adressent directement au spectateur, dans une intrigue non-chronologique, ce qui était considérablement inhabituel pour l'époque.

Dans Une affaire de cœur, Makavejev « pratique, avec un aplomb tranquille qui force l’attention, l’art de la provocation tempérée par l’humour. Sa réflexion sur la sexualité lui sert de tremplin dans son impitoyable remise en question de tous les tabous qui peuvent restreindre ou aliéner la liberté individuelle : l’apparence gratuite et anarchiste de son "message" ne devrait pas en faire sous-estimer le sérieux et la portée. […] Le cinéaste rejette les illusions du romantisme révolutionnaire au profit d’une lucidité politique plus constructive : “Je ne veux pas faire d’opposition systématique […] mais tout au contraire assurer la continuité de la révolution… Il n’est pas question d’attaquer un système qui ne met pas en cause la liberté de chacun mais de ne pas le laisse s’écarter de la voie qu’il s’est tracée.” » (Marcel Martin, Les Lettres françaises n°1208, 15 novembre 1967)