Deux cadavres d’ânes en putréfaction sur deux pianos. Des fourmis pullulant dans le creux d’une main. Un cycliste tombant dans la rue. Des séminaristes ligotés. Un couple mort, enlisé jusqu’à la taille. Un nuage devant la lune. Un œil tranché.
Un rasoir qui tranche un œil. Une image mythique du cinéma, reconnaissable entre toutes. Mais une image toujours aussi éprouvante.
Luis Buñuel avait rencontré Salvador Dalí au début des années 20, à la résidence des étudiants de Madrid. Alors qu'ils se racontent leurs songes, Dalí explique à Buñuel avoir rêvé que sa main était infestée de fourmis. À partir de cette image, les deux amis écrivent un scénario, comme lors d'une séance d’écriture automatique, en associant d'autres images de façon plus ou moins aléatoire. Ils appliquent ainsi un axiome tiré de la revue La Révolution surréaliste, « le cinéma est la mise en œuvre du hasard ».
En résulte une superbe confrontation entre subconscient et rationnel, un défilé onirique d’images, tantôt insolites ou érotiques, tantôt répulsives et subversives. Un chien andalou aura, depuis 1929, été analysé, décortiqué, sans qu’aucune explication logique ne puisse s'appliquer, même si Dalí résumait le film comme « la ligne droite et pure de "conduite" d’un être qui poursuit l’amour à travers les ignobles idéaux humanitaires, patriotiques et autres misérables mécanismes de la réalité »… Ce court métrage, malgré sa forme inclassable, est bel et bien du cinéma à part entière : la mise en scène est sûre, les éclairages subtils.
« Beau comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d'une machine à coudre et d'un parapluie. » Si la célèbre phrase des Chants de Maldoror - Lautréamont était une des références majeures des surréalistes – peut qualifier Un chien andalou, il n’en reste pas moins que Buñuel s’indignait qu’un public snob n’y voie que beauté et poésie. Car pour lui, « au fond, ce n’est qu’un désespéré, un passionné appel au meurtre. » (La Révolution surréaliste n°12, 15 décembre 1929)
Un chien andalou
France, 1929, 25min, noir et blanc, format 1.33
Réalisation Luis Buñuel
Scénario Luis Buñuel, Salvador Dalí
Photo Albert Duverger
Musique Richard Wagner
Montage Luis Buñuel
Décors Pierre Schildknecht
Production Luis Buñuel, Studio-Films
Interprètes Pierre Batcheff (l'homme), Simone Mareuil (la jeune femme), Salvador Dalí (un frère des écoles), Jaume Miravilles (un frère des écoles), Luis Buñuel (l'homme au rasoir), Fano Messan (l'androgyne)
Sortie en France : 6 juin 1929
Restauration 4K par La Cinémathèque française et la Filmoteca Española en collaboration avec Les Grands Films Classiques, grâce au soutien de Creative Europe.
Ressortie en salles par Les Grands Films Classiques à l’hiver 2021
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