Un château en enfer

Sydney Pollack

Hiver 1944, dans les Ardennes. Huit soldats américains s’installent dans un château rempli d’œuvres d’art. Son propriétaire, le comte de Maldorais (Jean-Pierre Aumont) y vit avec son épouse Thérèse (Astrid Heeren), à qui il n’a pu donner d’enfant. Quand il constate l’attirance entre Thérèse et le major Falconer (Burt Lancaster), il l’encourage, espérant l’arrivée d’un héritier. Alors que les soldats semblent oubliés par leur armée, les Allemands préparent la contre-offensive.

« Que faut-il sauver ? Pour quelle cause doit-on s’engager à fond ? » (Sydney Pollack, Cahiers du cinéma n°196, décembre 1967) C’est cette question que Sydney Pollack a en tête quand il se lance, avec ses scénaristes Daniel Taradash et David Rayfiel, dans l’adaptation du roman de William Eastlake. L’Amérique s’enlise au Viêt-nam, Un château en enfer en sera une parabole.

Seul film de guerre de la carrière de Sydney Pollack, Un château en enfer est une œuvre atypique, étrange, qui refuse les poncifs du genre. Le film verse dans un récit singulier, chaque soldat développant une histoire particulière : le boulanger en devenir, l’amateur d’art qui veut protéger le château, l’amoureux de mécanique et d’une Coccinelle… Ensemble, ils jouent au bowling avec des bouteilles millésimées. Comme dans toute l’œuvre de Pollack, les protagonistes ont tendance à fuir le monde et ses réalités : ici, le goût pour l’art permet cette fuite. Dans un quasi huis clos, le film développe une ambiance entre réalisme guerrier et onirisme romantique, dans un espace hors du temps propice à la réflexion sur la vacuité de l’existence et la permanence de l’art. « Insolite aventure aux frontières du cauchemar et du rêve » (Jean de Baroncelli, Le Monde, 28 octobre 1969), Un château en enfer est un film rare, dans lequel règne une atmosphère surréelle digne d'un roman de Julien Gracq, renforcée par des moyens visuels très travaillés (le pain doré, le bordel très rouge) et une bataille finale fantomatique.

« Un château en enfer ne serait-il pas le meilleur Pollack, par son ambition inhabituelle pour un film de guerre américain, ses risques constamment assumés, son ton de fantaisie aux confins de l’irréel ? Le sujet profond de ce film atypique est l’atroce propension de l’homme à anéantir la beauté et la culture, vertige nihiliste qui trouve dans la guerre son hideux mais fascinant accomplissement. » (Philippe Roger, Jeune Cinéma n°402-403, octobre 2020)