The Velvet Underground

Invités du festival : Musique

Le Velvet Underground de John Cale et Lou Reed – entre autres membres –, rendu célèbre par Andy Warhol, a créé un nouveau son qui a fait évoluer le monde de la musique et fait du Velvet un groupe vénéré. Le documentaire montre comment la formation est devenue une référence culturelle pétrie de contradictions : à la fois de son temps et intemporelle, littéraire et réaliste, enracinée dans l'avant-garde et la culture de la rue. Le film présente des entretiens approfondis avec les acteurs-clés de l'époque, combinés à des performances inédites et à une riche collection d'enregistrements, de films d’Andy Warhol et d'autres œuvres d'art expérimentales. L’ensemble crée une expérience immersive dans ce que John Cale décrit comme l’ambition créative du groupe : « comment être élégant et comment être brutal ».

Créé en 1964, popularisé par Andy Warhol deux ans plus tard, le Velvet Underground est une formation rock mythique dont les tubes sulfureux sont indémodables, de l’audacieux morceau de Lou Reed, Heroin, jusqu’à la ballade gothique All Tomorrow’s Parties, portée par la voix grave de Nico (amenée au groupe par Warhol). « J'ai découvert le Velvet Underground en arrivant à l'université, raconte Todd Haynes. C'était comme une cible qui m’atteignait depuis mon entourage proche, à la fois prédéterminée (ce groupe était à l'origine de tout ce que j'écoutais – Bowie, Roxy Music, le punk, la new wave) et une découverte radicale qui m'était propre. Ce que j'ai entendu dans cette musique est, je pense, ce que [Brian] Eno voulait dire dans la phrase la plus célèbre jamais dite sur le groupe : “Le Velvet Underground n'a pas vendu beaucoup de disques, mais tous ceux qui en ont acheté un ont monté un groupe.” Comme pour dire : ce n'était pas seulement de la musique mais une sorte de drogue, un étrange élixir. C'était une musique qui vous distinguait, vous identifiait non seulement comme quelqu'un qui souffre et transgresse, mais aussi comme quelqu'un qui y croit. C'était une musique qui suscitait le désir créatif. »

Todd Haynes a réalisé plusieurs films musicaux de fiction, balayant le large spectre de la musique populaire anglo-saxonne, du glam-rock de Velvet Goldmine (inspiré par David Bowie et Marc Bolan) jusqu’à la biographie libre et éclatée de Bob Dylan, I’m Not There. Pour ce premier documentaire, il a multiplié les interviews avec les survivants (du groupe et de l’époque), notamment la discrète batteuse Maureen Tucker. Et il a aussi puisé dans les riches archives d’Andy Warhol, offrant des images inédites des prestations du Velvet. « The Velvet Underground n’est ainsi ni un panégyrique ni un tombeau, la nostalgie qui s’en dégage parfois provenant plutôt du matériau filmique lui-même, ces Screen Tests d’Andy Warhol longuement exploités à l’écran, qui ont fixé la jeunesse des sujets pour toute éternité (et Dieu qu’ils étaient beaux !). Ce qui domine le film, pourtant, sont quelques morceaux, au premier rang desquels Heroin et Venus in Furs, joués et rejoués à satiété, plus ensorcelants que jamais, comme pour en épuiser une bonne fois pour toutes la magie, et, éternellement teigneux, envoûtant, dominant, Lou Reed, jeune astre rayonnant d’entre les morts. »(Élisabeth Franck-Dumas, Libération, 8 juillet 2021)