Peel, exercice de discipline

Prix Lumière : Jane Campion

Une route, une famille en voiture. Quelques épluchures d’orange et c’est le début des crispations.

Mai 1986. Un programme composé de deux courts métrages, Passionless Moments (1983) et Histoire de jeune fille (A Girl’s Own Story, 1984), et d’un film pour la télévision, Two Friends (1986), est projeté à Cannes, dans la section Un Certain Regard. Parallèlement, Peel est sélectionné parmi les courts métrages de la Compétition. Le cinéma de la Néo-Zélandaise Jane Campion est ainsi offert au monde entier.

Peel a été réalisé par la cinéaste au cours de ses études à l’Australian Film Television and Radio School. Pendant ses trois années d’études, elle a tourné le plus possible au sein de l’école, et développé, à travers ses courts métrages, une signature toute personnelle. « Tous, d’une grande modernité, sont des manifestes visuels, entremêlant un sens inouï de la lumière et du cadre dans des micro chroniques comportementales où la violence côtoie l’absurde. » (Donald James, Bref n°121, printemps/été 2017)

Peel, qui reçut la Palme d’or du court métrage, est le seul en couleurs. Les cheveux, la peau d’orange… Jane Campion travaille la colorimétrie, mais aussi la bande son, le cadre, les angles, les effets de montage. Sur le fond, elle filme une famille qu’elle connaît et qu’elle sait très impulsive, les rapports de force qui opposent les uns aux autres, de façon mouvante, un contre deux. Le voyage dans l’espace clos de la voiture permet à la cinéaste d’observer au microscope la cellule familiale dans son quotidien, commun et non exceptionnel.

« Peel affirme avec panache la volonté de Jane Campion de chercher l’insolite sous l’ordinaire des vies. Proche en cela du surréalisme, Campion fréquente l’ange du bizarre et cultive un sentiment d’étrangeté. […] Elle incarne dans son travail formel le même esprit d’indépendance et de révolte que ses personnages, dont le fils et la sœur dans Peel, qui refusent les règles et les pressions qu’on exerce sur eux. » (Michel Ciment, Jane Campion par Jane Campion, Cahiers du cinéma)