Passion d’amour

Lumière Classics

Années 1860, dans le Piémont. Le jeune officier Giorgio Bacchetti (Bernard Giraudeau) apprend sa mutation et doit s’éloigner de Clara (Laura Antonelli), la femme mariée dont il est amoureux. Dans sa nouvelle garnison, il rencontre Fosca (Valeria d'Obici), une jeune femme particulièrement laide, dont il va tomber sous l’étrange charme.

Mélodrame cruel et éclatant, Passion d’amour contredit l’idéal romantique qui assure que la beauté du corps va de pair avec celle de l’âme et que l’apparence physique est le reflet des qualités de cœur et d’esprit ; une femme laide ne saurait donc être attirante. Et pourtant, c’est le cas de Fosca, incarnée magistralement par Valeria d’Obici, enlaidie par le maquillage. Marginalisée à cause de sa différence, considérée comme hystérique et folle, la jeune femme fascine et dérange. Sa détermination à être aimée est bouleversante et sa rencontre avec Giorgio est d’une intensité presque violente. Hors normes, leur passion dévorante les pousse peu à peu vers la folie. « Quand, précédée par les rumeurs sur sa maladie, apparaît Fosca, commence le double parcours de sa régénérescence et de la dévitalisation de l’officier, presque vampirisé. Tout s’efface autour du couple, le monde militaire, la douce figure antithétique de l’amante, et Scola le filme sur le vide. […] Scola revendique la contemporanéité pour ce drame du XIX^e siècle, et le calvaire d’une femme privée d’amour par sa laideur. » (Andrée Tournès, Jeune Cinéma n°278, octobre/novembre 2002)

Pour mieux critiquer le romantisme du Risorgimento, Scola lui emprunte son cadre historique puis pulvérise subtilement son idéalisme : comment peut-on concevoir qu’un aussi bel homme tombe dans les bras d’une femme aussi disgracieuse ? Beaucoup ont reproché au cinéaste de ne pas donner assez clairement les raisons de cette passion mais c’est là toute la puissance de Passion d’amour : ne pas tenter d’expliquer l’insaisissable. « Toute la qualité du film réside dans le mystère qui entoure un acte dans lequel s’imbriquent tendresse, pitié, amour, don et destruction de soi, un mouvement de l’âme qui scelle le destin des protagonistes. » (Jean A. Gili, Image et Son - La Revue du Cinéma n°365, octobre 1981)