Outrages (director’s cut)

Grandes projections

Viêt-nam. Eriksson (Michael J. Fox), jeune recrue pas encore endurcie, voit sa vie sauvée, lors d’une opération nocturne, par Meserve (Sean Penn), son commandant. Lorsque, peu de temps après, dans un village présumé "allié", le radio de l’escouade est abattu, la colère monte et la vengeance s’exerce. Meserve et ses hommes décident, au moment de partir en reconnaissance, d’emmener en représailles une jeune villageoise, Oahn (Thuy Thu Le).

Un crime est un crime, même en période de guerre. La position du bleu Eriksson est ferme, mais le tourmentera toute sa vie. Croiser une jeune femme d’origine asiatique le replonge des années en arrière.

Basé sur des événements réels, Outrages est un des films les plus dérangeants sur la guerre du Viêt-nam. Alors que les hommes deviennent de la chair à canon, les femmes sont envisagées comme des trophées de guerre. De Palma expose la barbarie dans son expression la plus sauvage : enlèvement, viol collectif, assassinat. Dans le bourbier vietnamien, les valeurs de compassion ont disparu, et chacun se débat avec ce qui lui reste de morale. Meserve, depuis trop longtemps sur le front, n’est plus vraiment lui-même. Mais il est devenu un repère pour ses hommes, une figure de père, celui qui a raison. Eriksson n’est pas encore corrompu, et n’ayant pu empêcher l’horreur d’arriver, il est plongé dans un dilemme : doit-il dénoncer l’homme qui lui a sauvé la vie ?

Avec une mise en scène d’une grande précision et des acteurs incarnant profondément leur rôle, Brian De Palma, cinéaste du Nouvel Hollywood, interroge : où s’arrête l’obéissance à l’autorité militaire et ou commence la responsabilité individuelle ? Il dira par la suite qu’Outrages est un film qui lui tient particulièrement à cœur, l’ayant porté en lui pendant très longtemps. « J’ai une prédilection pour les personnages qui ont vendu leur âme au Diable parce que nous avons tous les mains un peu sales. Comment pourrait-il en être autrement, vu le monde dans lequel nous vivons ? Nous autres cinéastes manipulons des millions de dollars quand nous faisons des films. Nos mains en sont forcément un peu salies. Mais contrairement à Meserve, il y a une limite qu’on ne dépassera pas. » (Brian De Palma, in Brian De Palma, Entretiens avec Samuel Blumenfeld et Laurent Vachaud, Carlotta)

Malgré sa force indéniable, Outrages sera mal reçu par une partie de la critique, et jugé trop déprimant par certains. Pourtant la fin ouvre une lueur d’espoir : « C’est terminé maintenant ». Pauline Kael, célèbre pour sa plume acerbe, souligne la dimension féministe du film, qu’elle défendra vivement dans les colonnes de The New Yorker (21 aout 1986) : « Quelques films […] peuvent nous toucher d’une manière plus directe, plus émouvante que de simples films de divertissement. Ils ont plus d’imagination, plus de poésie, plus d’intensité que la soupe habituelle ; ils s’appuient sur des thèmes larges, et sur une vision. Ils peuvent, dans le même temps, nous transporter de joie et nous anéantir. Bouleversés, nous ressentons une colère impuissante lorsque nous entendons les gens moquer ou en révéler les failles, dans le but de les rejeter. Casualties of War a ce type de pureté. » (cité par Nathan Réra, in Outrages, Rouge profond)