Maternité éternelle

Histoire permanente des femmes cinéastes

Fumiko (Yumeji Tsukioka), mère de deux enfants, vit un mariage malheureux. Elle partage sa vie familiale avec une vocation étouffée de poétesse. Après avoir découvert l’infidélité de son mari, elle demande le divorce. Elle découvre bientôt qu’elle souffre d’un cancer du sein.

Pour son troisième long métrage, Kinuyo Tanaka décide de filmer la vie de la poétesse japonaise waka Fumiko Nakajo (1922-1954), décédée d’un cancer du sein à l’âge de 31 ans. Elle fait appel à une autre femme pour le scénario, Sumie Tanaka, fidèle collaboratrice de Naruse. Tanaka n’est liée à aucun studio et garde ainsi cette indépendance qui lui permet de traiter d’un sujet fort, et de cette maladie encore taboue.

Selon Yola Le Caïnec, la cinéaste adopte une « progression dramatique lupinienne » (Positif n°677/678, juillet/août 2017). Les liens entre les héroïnes du cinéma d’Ida Lupino et celles de la Japonaise sont étroits. Ici, une femme quitte son mari infidèle. Son statut de femme divorcée l’oblige à vivre en marge de la société. Et alors qu’elle accède à la reconnaissance de son talent poétique, un cancer la ronge. Partagée entre culpabilité et soif de vivre, elle se débat avec son désir d’autodétermination.

« Tanaka, ayant joué systématiquement les femmes ballottées par les hommes depuis l’âge de 15 ans, défend, par son regard de femme, la réalité de la sexualité féminine. » (Junko Watanabe in L’Âge d’or du cinéma japonais, sous la dir. de Pascal-Alex Vincent, Carlotta) La cinéaste, de façon extrêmement moderne, filme la dernière histoire d’amour de Fumiko. Amputée de ce qui est pour beaucoup le symbole de la féminité, elle assume pleinement son désir. Des plans sont saisissants. Ainsi celui de la poétesse sur son lit, sa mère lui lavant les cheveux, déjà presque auréolée, comme sanctifiée, dans un fascinant jeu d’ombre et de lumière.

« Avec un désarmant mélange de pudeur et de frontalité (la scène de bain où Fumiko exhibe sa poitrine mutilée), Tanaka parvient à faire un mélodrame à mille lieues de tout sentimentalisme. » (Paola Raiman, Cahiers du cinéma n°757, juillet/août 2019)