Mademoiselle Ogin

Histoire permanente des femmes cinéastes

Japon, XVI^e siècle. Ogin (Ineko Arima), fille du célèbre maître de thé Rikyu (Ganjiro Nakamura), est amoureuse de Ukon Takayama (Tatsuya Nakadai), seigneur converti au christianisme et déjà marié. Un mariage de raison lui est alors imposé par sa famille…

Adapté du roman Ogin-sama de Kon Toko, Mademoiselle Ogin met en scène un personnage fictif inspiré d'une des filles du maitre de thé Rikyu, qui se serait suicidée pour échapper aux avances sexuelles du puissant Hideyoshi.

Peu de temps avant l’auto-isolement du Japon et la répression du christianisme, Ogin vit dans un monde où les sentiments personnels sont subordonnés au devoir filial et aux considérations politiques et où la crucifixion est le prix à payer pour une émotion inappropriée. Dans une société dominée par les hommes, Ogin est un pion aux mains des puissants. « C’est triste d’être une femme » commente un des personnages.

Avec une grande retenue émotionnelle et un rythme lent, jamais statique pourtant, Kinuyo Tanaka filme les tourments intérieurs de son héroïne, qui défie tout pour le droit d’aimer qui elle souhaite et lutte pour sa foi en l’amour, ses sentiments individuels et son autonomie. Obligée de se donner à un homme qu’elle n’aime pas, elle décide que son émancipation viendra de la mort, ultime expression de sa rébellion contre le souverain et contre ce monde d’une cruauté toute masculine.

« En 1962, Tanaka réalise un dernier film, en couleurs, Mademoiselle Ogin, où derrière l’apparent académisme d’un drame historique en costumes, un érotisme troublant annonce les audaces du cinéma des années 60. Cette révolution à venir, Kinuyo Tanaka, en s’affranchissant de la tutelle des hommes, l’avait à sa manière préparée. » (Paola Raiman, Cahiers du cinéma n°757, juillet/août 2019)