Billetterie

Lettre d'amour

Koibumi

de Kinuyo Tanaka , Japon , 1953

Histoire permanente des femmes cinéastes

Reikichi (Masayuki Mori) est un homme taciturne. Sans relâche, il recherche dans la foule le visage de Michiko (Yoshiko Kuga), son amour de jeunesse. Pendant la guerre, celle-ci, ses parents lui ayant imposé un mariage forcé, lui a envoyé une lettre d’adieu. Reikichi est embauché par son ami Naoto (Jukichi Uno) comme écrivain public. Les clientes, souvent des prostituées, lui font écrire des lettres à leurs amants américains afin de leur soutirer de l’argent. Un jour, Michiko vient faire traduire un courrier.

 LETTRE-D-AMOUR


Musicienne de formation, Kinuyo Tanaka, née en 1909, débute sa carrière dans les années 1920 comme figurante au sein des studios Shochiku. Très rapidement, sa forte détermination la propulse actrice à part entière. Dès lors, elle n’arrêtera plus de tourner. Yasujiro Ozu, qui devient son ami, la fait jouer dans sept de ses films muets. Et c’est sans problème qu’elle négocie le virage du cinéma parlant, alors que tant d’autres, à travers le monde, n’y parviennent pas.  Elle joue dans environ dix films par an et travaille avec les plus grands cinéastes. Elle devient si populaire qu’elle est désormais appelée par son seul prénom.

Surnommée « la mère du cinéma japonais », elle tourne dans les années 50 avec les réalisateurs phares du second âge d’or : Mikio Naruse (La Mère, 1952), Yasujiro Ozu (Fleurs d’équinoxe, 1958) et surtout Kenji Mizoguchi, avec lequel elle collaborera sur quinze films dont La Vie d’O’Haru, femme galante (1952) et Les Contes de la lune vague après la pluie (1953). C’est après Les Contes qu’elle décide de passer derrière la caméra.

« Des femmes sont entrées au Parlement. Et quand j’étais à Hollywood, Claudette Colbert m’a dit qu’elle voulait passer derrière la caméra. Nous avons le même âge et la même carrière. Alors pourquoi pas moi ? » Déterminée, Kinuyo Tanaka apprend et observe le travail des réalisateurs. Quand elle est actrice, elle note les problèmes mais n’ose encore intervenir. Elle se fait aussi engager par Mikio Naruse comme assistante sur Frère et sœur (1953). Elle est désormais prête. Mais son époux, le cinéaste Heinosuke Gosho, s’oppose et le Syndicat des cinéastes s’offusque : elle est certes la plus grande star du pays, mais devra, comme les autres, fournir une lettre de recommandation signée de deux réalisateurs. Mizoguchi, dont elle a pourtant été la muse, refuse. Ce sera auprès du cinéaste militant gay Keisuke Kinoshita qu’elle trouvera le soutien nécessaire et le scénario de son premier film, que ce dernier rédige pour elle.

Situé dans le Japon de la reconstruction, Lettre d’amour est une romance contrariée. Lorsque Reikichi retrouve son amour de jeunesse, celle-ci n’est plus comme il l’espérait : Michiko a eu un enfant, mort depuis, avec un Américain. Il la rejette violemment, car son attitude lui répugne : il la relègue au rang des femmes qui vendaient leur corps pendant la guerre. Tous méprisent Michiko, qui lutte pour se défaire de son passé.

Succès critique, le mélodrame de Kinuyo Tanaka est sélectionné en compétition au Festival de Cannes en 1954. La mise en scène est sobre et précise, la direction d’acteurs toujours juste. Récit d’un amour bouleversé par l’Histoire et une morale trop stricte, ce premier film est un portrait de femme et une réflexion sur la guerre et ses conséquences, sur l’innocence et la culpabilité. « Quiconque est sans péché jette la première pierre. Nous, Japonais, nous sommes tous responsables de la guerre. Et aujourd’hui nous luttons tous pour survivre. Qui alors jettera la première pierre ?” Ce sont des paroles rares dans les films japonais qui ont souvent déplacé la responsabilité de la guerre sur quelques boucs émissaires. La fin reste ouverte mais réconciliatrice, le dernier plan montre Reikichi, en larmes quittant Michiko à l’hôpital. Et Lettre d’amour montre un autre couple en train de se former : Hiroshi [le frère de Reikichi] et une jeune libraire, représentants d’une nouvelle génération, libre du fardeau de la guerre et dont l’insouciance juvénile révèle une innocence rafraîchissante. » (Andrea Grunert, Jeune Cinéma n°408/409, été 2021)

Lettre d'amour (Koibumi)
Japon, 1953, 1h38, noir et blanc, format 1.37

Réalisation Kinuyo Tanaka
Scénario Keisuke Kinoshita, d’après un roman de Fumio Niwa
Photo Hiroshi Suzuki
Direction artistique Seigo Shindo
Musique Ichiro Saito
Montage Toshio Goto
Production Ichiro Nagashima, ShinToho
Interprètes Masayuki Mori (Reikichi Mayumi), Yoshiko Kuga (Michiko Kubota), Jukichi Uno (Naoto Yamaji), Juzo Dosan (Hiroshi, le frère de Reikichi), Shizue Natsukawa (la mère de Reikichi)

Sortie au Japon : 13 décembre 1953
Présentation au Festival de Cannes : avril 1954

Restauration Toho Co., Ltd. réalisée à partir du négatif original du film.

Restauration inédite 4K.

Sortie en salles par Carlotta Films de la rétrospective Kinuyo Tanaka en avril 2022.

 

Séances
Icone Billet 17ACHAT lu 11 11h - Lumière Terreaux
présenté par Rosalie Varda (Productrice et distributrice) et Pascal-Alex Vincent (Spécialiste du cinéma japonais)
Icone Billet 17ACHAT ma 12 18h45 - Villa Lumière
présenté par Lili Hinstin (Directrice artistique en festivals)
Icone Billet 17ACHAT je 14 11h15 - UGC Confluence
présenté par Delphine Gleize

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