1912, dans une usine métallurgique russe. Les conditions de travail sont insupportables et les salaires misérables. La révolte gronde chez les ouvriers. Accusé à tort d’avoir volé un micromètre, un ouvrier se pend. La grève est déclenchée, le travail s’arrête.
Premier film de Sergueï M. Eisenstein, 26 ans, jusqu’alors décorateur et metteur en scène de théâtre, La Grève faisait initialement partie d’un ensemble de films intitulé Vers la dictature du prolétariat. Ce vaste projet développé avec Valeri Pletniov, militant révolutionnaire devenu metteur en scène, au sein du premier théâtre ouvrier du Proletkoult, devait mettre en images les luttes ouvrières entre 1911 et 1914 qui aboutirent à la révolution de 1917. Le Cuirassé Potemkine et Octobre en seront également issus.
Eisenstein disait faire du « cinéma-poing » (s’opposant temporairement au « cinéma-œil » de Vertov), comme le coup de poing au visage du spectateur. Audacieux, libre, son cinéma se détache des traditions du cinéma tsariste. La Grève est puissant, rageur, son montage est vif, les audaces visuelles sont de chaque image. Ce manifeste bolchévique qui fait naitre chez le spectateur l’espoir du Grand Soir impressionne par sa beauté plastique. Premier coup de génie pour le cinéaste, qui impose immédiatement son esthétique.
De la naissance à la liquidation d’un mouvement ouvrier, Eisenstein reproduit une société en miniature : ouvrier, contremaître, patron, indics issus du lumpenprolétariat, des exploités aux fielleux manipulateurs. La révolte ouvrière est vue comme un objet artistique, sans pour autant privilégier la forme sur le fond. Le « montage des attractions » détermine un impact fort, comme la saisissante séquence de la fusillade des grévistes, alternée avec l’égorgement des bœufs en abattoir, laissant le sang couler à flots.
La Grève n’a pas d’autre héros que la collectivité, et le peuple n’a pas d’autre choix que l’organisation. « Si l’individu ne tire jamais sa force et son efficace que du groupe, on comprend que ce soient les masses, les classes, qui, en définitive, font l’Histoire. On comprend aussi que pour faire apparaître ce principe du matérialisme historique, Eisenstein ait tourné La Grève, telle qu’il l’a tournée. Son film – mais le Potemkine aussi – donne à voir, selon la formule de Béla Balàzs, non pas comment l’individu se perd, se dissout dans la masse, mais comment la masse, la classe, le discours collectif, s’imposant à lui, l’animent, le dessinent dans son individualité. » (Barthélemy Amengual, ¡Que viva Eisenstein ! L’Âge d’Homme)
La Grève (Stachka)
URSS, 1925, 1h34, noir et blanc, format 1.33
Réalisation Sergueï M. Eisenstein
Scénario Grigori Aleksandrov, Sergueï M. Eisenstein, Ilya Kravtchounovski, Valeri Pletnev
Photo Eduard Tissé
Direction artistique Vasili Rakhals
Montage Sergueï M. Eisenstein
Production Boris Mikhine, Proletkult, Goskino
Interprètes Maxime Strauch (l'indicateur), Grigori Alexandrov (le contremaître), Mikhaïl Gomorov (l'ouvrier qui se pend), Ivan Klioukvine (le militant), Aleksandr Antonov (le militant ouvrier)
Sortie en URSS : 28 avril 1925
Sortie en France : 18 janvier 1967 (jusque-là inédit en France en dehors de la Cinémathèque française)
En copie restaurée en 2K par Gaumont-Pathé Archives et accompagné à l’orgue par Serge Liégeon.
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