La Fête et les invités

Trésors et curiosités

Dans une ambiance euphorique, après un pique-nique champêtre, quelques   participants partent pour une fête. Sur un chemin forestier, ils sont arrêtés et soumis à un interrogatoire humiliant. Un homme, habillé de blanc, les sort de cette pénible situation : c’est leur hôte, qui les invite à prendre place à table, en pleine nature. Mais un invité s’enfuit, ce qui déclenche sa colère : une chasse à l’homme s’engage.

Né en 1936, à Prague, Jan Nemec acquiert une renommée internationale après son premier long métrage, Les Diamants de la nuit (1964), superbe fable expérimentale sur l'oppression et la répression. Censuré pendant plusieurs années, La Fête et les invités est son second film ; il y porte un regard cinglant sur le pouvoir en place en Tchécoslovaquie et dénonce la servilité et la lâcheté de ceux qui s’y soumettent alors qu’ils pourraient le combattre. En effet, derrière un titre et un décor charmants, à la limite de la mièvrerie, se cache un tableau effrayant de l’emprise du pouvoir socialiste. D’une ironie féroce, La Fête et les invités est une parabole politique dans laquelle Nemec instaure un malaise puissant de plus en plus intense, tout en utilisant une distanciation par l'absurde quasiment kafkaïenne. Le cinéaste quittera son pays en 1968, à la suite du Printemps de Prague et n’y reviendra qu’après la Révolution de velours de 1989.

« Dans La Fête et les invités, le stalinisme est une structure close que la fable de Nemec explore et démonte minutieusement tout en s’abstenant de l’analyser. […]. “Le film, écrit sa scénariste Ester Krumbachová, montre comment sont liés les caractères, le pouvoir, l’activité et la mentalité des gens, comment ils sont conditionnés les uns par les autres, comment les uns et les autres s’épaulent mutuellement”.  […] Le système du stalinisme engendre des staliniens et les staliniens reproduisent le stalinisme. […] Le moraliste Nemec appelle chacun, stalinien ou non-stalinien, au sens de ses coresponsabilités dans le système. C’est par là que son film appartient au Printemps de Prague : il témoigne de la conviction qui fut, un temps, celle des antistaliniens tchécoslovaques — et elle s’est vérifiée — qu’une opposition socialiste était possible au sein du socialisme, et capable d’en transformer le cours. » (Barthélemy Amengual, Positif n°146, janvier 1973).