L’Annonce faite à Marie

Lumière Classics

L’histoire d’un baiser que Violaine (Ulrika Jonsson), fille de fermier, donne par compassion à Pierre de Craon (Roberto Benavente), bâtisseur de cathédrales et lépreux.

Lorsqu’il est révélé par Les Visiteurs du soir (1942) de Marcel Carné, Alain Cuny est déjà un acteur de théâtre reconnu. Il alternera ainsi toute sa vie théâtre et cinéma, jouant pour Grémillon, Antonioni, Malle ou Fellini.Pendant la Seconde Guerre mondiale, il rencontre Paul Claudel qui lui propose le rôle de Pierre de Craon dans L'Annonce faite à Marie ; ils ne se quitteront plus. Lorsque Claudel meurt en 1955, on propose à Cuny de réaliser un film adapté de la célèbre pièce. Plus de trente ans après, il réalise enfin son premier et unique film, adapté du texte baroque et mystique de son mentor, et y joue le rôle d’Anne Vercors, entouré de comédiens non-professionnels.

« Que vous soyez arrivé du premier coup à l’essentiel, que vous ayez (j’en suis sûr, d’instinct plus que méditation) trouvé la distance juste, parfaite, avec un texte qui est posé sur le film comme un fil-de-feriste (un pas de côté, c’est la chute), que vous ayez en somme inventé la seule manière de faire vivre et écouter ces personnages dans l’univers piégé du cinématographe, c’est de l’ordre du miracle. » (Chris Marker dans une lettre à Alain Cuny, 1991)

Loin du théâtre filmé, Cuny respecte l’intention de l’auteur et la fait renaître dans une nouvelle forme, presque magique, où des chants liturgiques se superposent à des images d’un insecte mangeant un fruit, où le chemin vers la foi est accompagné par le chant des oiseaux, avec pour idée de représenter les analogies entre le terrestre et le divin.

« Et voici que sort un film d’un cinéaste de 83 ans, fou et riche comme un jeune homme qui jette son va-tout dans une première œuvre ; serein, enfantin et magistral comme le film d’un cinéaste au soir de son périple ; illuminé, élégiaque, lent, tout en ressacs et grondements comme la voix même de Cuny ; halluciné comme un homme des bois ; simple comme un conte. Un film météorite qui déjoue les époques et les modes, un film qui est comme un chef-d’œuvre perdu et miraculeusement retrouvé. » (Jean-Pierre Thibaudat, Libération, 17 décembre 1991)