Jofroi

Lumière Classics

Jofroi (Vincent Scotto), fermier vieillissant, a vendu son verger de la Maussan au jeune Fonse (Henri Poupon). Quand ce dernier veut abattre les arbres, dont Jofroi a pris soin toute sa vie, afin de semer du blé, le vieil homme menace d’abord de tuer le nouveau propriétaire puis de se suicider. Bientôt tout le village est bouleversé.

Premier cinéaste entré à l’Académie française, en 1946, Marcel Pagnol s’est souvent heurté au mépris de la critique, qui lui reprochait de faire du théâtre à l’écran. Après avoir confié à d’autres réalisateurs l’adaptation de ses pièces, il est lui-même passé derrière la caméra en 1933, en endossant le rôle de producteur, scénariste et dialoguiste de tous ses films. Après Le Gendre de Monsieur Poirier (1933), Jofroi est sa seconde réalisation. Vibrant hommage à la littérature de Jean Giono, le film est réalisé en décors naturels, en Provence et dans le village de la Treille, où Pagnol tournera désormais. Toujours très proche du théâtre, son cinéma déborde de répliques savoureuses et de dialogues devenus célèbres. Dans Jofroi, le cinéaste défend une existence proche de la terre, où le vivant est consciencieusement respecté. Derrière ce vieil homme qui pourrait passer pour fou, se dévoile une sagesse ancienne, où la protection et le respect de la nature passe avant les lois de la propriété.

« Rien de plus trivial que l’histoire de Jofroi, de ce paysan qui met en scène une série de faux suicides pour empêcher qu’on abatte les arbres de son ancien verger. Et l’équilibre est miraculeusement maintenu (ce ne sera pas toujours le cas dans les films ultérieurs de Pagnol) entre la simplicité du sujet et celle des dialogues ; aucune réplique qui ne soit en situation, aucun acteur qui ne joue un rôle nécessaire dans cette tragédie de village où l’assemblée des paysans remplit l’office du chœur antique, où l’homme est victime d’une fatalité qui prend le masque du progrès. Ainsi Jofroi se range-t-il discrètement dans la cohorte des "innocents", des étrangers au monde moderne qui peuplent l’univers cinématographique de Pagnol ; […] celui-là s’installe, […] sur le versant du refus et de la solitude, sur une terre aride où Pagnol est peut-être plus lui-même que partout ailleurs. » (Noël Herpe, Positif n°389/390, juillet/août 1993)