Holy Smoke

Prix Lumière : Jane Campion

Ruth (Kate Winslet), jeune Australienne à la beauté rayonnante, ressent dans son existenceun vide que la culture occidentale est incapable de combler. Au cours d’un voyage en Inde, elle est bouleversée par un gourou. Inquiète, sa famille imagine un stratagème pour la faire revenir, et décide d’engager l’Américain P.J. Waters (Harvey Keitel), spécialiste de la « déprogrammation spirituelle ». En vingt-quatre heures, l’affaire devrait être réglée. Deux jours plus tard, le pouvoir change de camp.

Retour en Australie et à l’époque contemporaine avec Holy Smoke, sans doute le film le plus incompris et le plus mal aimé de Jane Campion. Pourtant, par son côté insolent, il n’est pas sans rappeler Sweetie. « Il correspond à mon sens de l’humour "buñuelien", à mon manque de respect pour les gens respectables. Cela a aussi à voir avec mon caractère profondément enfantin. J’aime être enfantine ! » confiait la cinéaste (Positif n°466, décembre 1999). Si habituellement le ton donné à la quête spirituelle est plutôt contemplatif, ici c’est bien l’ironie et le grotesque qui teintent le film.

Le scénario est écrit à quatre mains. Jane Campion fait appel à sa sœur Anna, peintre, écrivaine et cinéaste. Elles se lancent ensemble dans de longues séances d’écriture, de discussion sur la spiritualité, chacune s’identifiant à l’un des personnages. L’écriture commune devient presque thérapie familiale pour ces deux sœurs en compétition depuis l’enfance.

Spiritualité orientale vs. matérialisme occidental, conflit de générations, guerre des sexes … Pendant trois jours, Ruth et P.J., son "désenvoûteur", vivent sans aucune limite. Il s’agit d’une lutte de pouvoir. À la dialectique de P.J., Ruth répond par ses cinq sens (le toucher est un motif fort du cinéma de Jane Campion). La cinéaste mêle spiritualité et sexualité : pour elle, les deux répondent à la même question : « comment être avec l’autre ? ». Et interroge encore : où est la norme ?

« Créatrice de formes depuis toujours, Jane Campion retrouve là sa carburation libre et naturelle, c’est-à-dire généreuse. Holy Smoke est, à bien des égards, un joyeux bric-à-brac de trouvailles, de tableaux, d’inserts subliminaux, de lumières conçues comme autant de flux et de vitesse cinématographique pure…. […] Pour le reste, la musique de Badalamenti est tout à son ouvrage mystique, le bush est une lune brûlante et Ruth, Thérèse d’Avila moderne, refait sa vie. Mais alors quoi ? Rien, quelque chose est passé. Et Holy Smoke, d’une certaine façon, se contente de cet effet très rare : nous suggérer simplement et uniquement que oui, en effet, il s’est passé quelque chose. » (Olivier Séguret, Libération, 24 novembre 1999)