Histoire de chanter

Rétrospective Gilles Grangier

Après avoir découvert la liaison que sa femme (Arlette Merry) entretient avec le célèbre ténor Gini Fabretti (Luis Mariano), le docteur Renault (Noël Roquevert) décide de se venger de celui-ci. Il lui tend un piège, et l’opère en intervertissant les cordes vocales du chanteur avec celles de Robert (Julien Carette), un épicier. Les deux hommes se réveillent chacun avec la voix de l’autre, mais au grand désespoir du docteur, cela ne règle pas la situation : sa femme est à présent amoureuse de l’épicier. 

Gilles Grangier a suivi la voie obligatoire pour tout cinéaste de l’époque, en assurant, entre 1937 et 1942, l’assistanat de réalisateurs confirmés, comme Ludwig Berger, Léo Joannon ou Georges Lacombe. En 1943, il est choisi pour mettre en scène Adémaï bandit d’honneur, cinquième et dernier épisode des aventures du populaire héros créé par l’acteur Noël-Noël en 1932. C’est un succès et Grangier ne cessera plus de tourner – soixante-cinq films et téléfilms jusqu’en 1985.

Histoire de chanter, son sixième titre, est une comédie musicale au scénario farfelu, dans laquelle on retrouve le chanteur Luis Mariano, déjà au sommet de sa gloire. La première scène du film lui fera honneur : Mariano y interprète l’opéra Rigoletto de Giuseppe Verdi.  « Luis Mariano était une très grande vedette. Il fut le premier chanteur d’après-guerre à jouir d’un statut d’idole, avec un club d’admiratrices appelées "les Marianistes". Chaque semaine Cinémonde consacrait une page au courrier de Mariano. J’avoue avoir été un peu inquiet quand j’ai appris qu’il serait la vedette de mon prochain film. Mais j’étais alors un peu dans l’escalier de service, et j’ai accepté. Je ne l’ai pas regretté d’ailleurs. Car Mariano s’est montré d’une conscience professionnelle à toute épreuve. » (Gilles Grangier, Passé la Loire, c’est l’aventure - 50 ans de cinéma. Entretiens avec François Guérif, Actes Sud / Institut Lumière).

Gilles Grangier déclarera que le scénario d’Histoire de chanter est l’un des meilleurs qu’il ait jamais tournés. Il faut dire qu’il était signé Cami, écrivain alors célèbre pour son comique loufoque et l’argument du film est tout à fait dans la lignée de ses romans, Le Scaphandrier de la tour Eiffel, Le Fils des Trois Mousquetaires ou autres Mémoires de Dieu-le-Père. Inverser les voix de Luis Mariano, qui faisait pâmer les dames, et de Julien Carette, connu pour son phrasé et son accent de titi parisien, était une idée hilarante que Grangier a su porter jusqu’au bout. Il avait hésité entre Carette et Bourvil, mais, recherchant le contraste le plus fort possible au niveau de la voix, son choix s’arrêta sur l’acteur à la célèbre gouaille.