Boiteux et simple d’esprit, Kenaoui (Youssef Chahine) est vendeur de journaux à la gare centrale du Caire. Il s’éprend de la belle Hanouma (Hind Roustom), qui vit de la vente illicite de boissons aux voyageurs. Mais celle-ci, en se moquant de Kenaoui, repousse ses avances, résolue à épouser Abou Serif (Farid Chawki), le chef de file des porteurs. Kenaoui décide de se venger.
« J’aime que Bab el-Hadid dise beaucoup de choses sans didactisme. Quand le film est sorti, la surprise a été si forte que je me suis fait cracher au visage, partout ! […] Je crois que, sans qu’un film soit conçu à partir de données politiques réfléchies, le seul fait qu’un peuple se voit vivre peut conduire à une œuvre forte. » (Youssef Chahine, octobre 1974)
Youssef Chahine avait commencé sa carrière de cinéaste en 1950, dans la tradition égyptienne du mélodrame. Et c’est sous le régime autoritaire de Nasser qu’il revendique son indépendance artistique en réalisant ce film anticonformiste au style direct, drame social enraciné dans la société égyptienne. Dans le décor unique de la gare centrale du Caire, c’est tout un micro monde qui est convoqué, une foule de destins qui se croisent : les voyageurs vont et viennent, les laissés-pour-compte, eux, restent.
Chahine, avocat des humiliés, interprète le rôle de Kenaoui, l’éternel exclu, décrit par le narrateur comme « frustré, au point de devenir obsédé ». Il tapisse les murs de son logement de fortune avec des photos de pin-up, désire ardemment Hanouma, qui en désire un autre. Entre ambiance érotique et meurtre violent, dans le Moyen-Orient des années 50, le film ne pouvait que faire scandale.
Gare centrale mêle mélodrame, préoccupations sociales et mise en scène efficace – fruit des études de cinéma de son auteur à Los Angeles – livrant une œuvre entre « tradition et insolence » (Olivier Séguret). C’est grâce à ce film que le cinéaste accède à la reconnaissance internationale.
« Chahine promène ses projecteurs dans chaque recoin tabou et malodorant de la société égyptienne. […] Déjà il fourbit ses armes en direction des fondamentalistes en ridiculisant deux barbus courroucés par les mœurs modernes ; déjà ; il enfonce ses lames là où ça fait mal en prenant farouchement parti contre le voile imposé aux femmes ; déjà, il retourne le couteau dans les plaies les plus sérieuses de son pays en prenant fait et cause pour les luttes syndicales, en s’insurgeant contre le sort réservé aux misérables et en hurlant en faveur de la liberté de s’aimer. » (Olivier Séguret, Libération, 25 juillet 1995)
Gare centrale (Bab el-Hadid)
Egypte, 1958, 1h17, noir et blanc, format 1.66
Réalisation Youssef Chahine
Scénario Abdel Hay Adib
Dialogues Mohamed Abou Youssef
Photo Alvise Orfanelli
Direction artistique Gabriel Karraze
Musique Fouad El Zahiri
Montage Kamal Abou Ela
Décors Abbas Helmi
Production Gabriel Talhami
Interprètes Hind Roustom (Hanouma), Farid Chawki (Abou Serif), Youssef Chahine (Kenaoui), Hassan El Baroudi (Madbouli)
Présentation à la Berlinale : 1er juillet 1958
Sortie en France : 13 mars 1974
Restauration Misr International Films
Distributeur : Tamasa
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