Freda

Invités du festival : Avant-premières

Freda (Néhémie Bastien) habite avec sa mère, sa sœur et son petit frère dans un quartier populaire d’Haïti. Ils survivent grâce à leur petite échoppe. Face à la précarité et la violence du quotidien, chacun cherche une façon de fuir cette situation : s’élever socialement par tous les moyens ou fuir Haïti. Quitte à renoncer à son propre bonheur, Freda décide de croire en l’avenir de son pays.

Après une carrière d’actrice qui l’a rendue très populaire dans son Haïti natal, Gessica Généus est passée derrière la caméra avec un court métrage, puis le documentaire Le jour se lèvera (Douvan Jou Ka Leve,2017), multiprimé en festivals, qui interroge l’identité haïtienne. Sa première incursion dans la fiction, Freda, poursuit ce questionnement : quel avenir pour les jeunes générations – notamment l’héroïne, Freda, qu’elle a longtemps pensé incarner avant de découvrir Néhémie Bastien au théâtre – dans un pays ravagé par des catastrophes naturelles (le tremblement de terre de 2010) et des malversations humaines (corruption, détournements d’aides, etc.) ? D’autant que la catastrophe collective n’exclut pas la tragédie individuelle : « Mes films partent toujours d’un questionnement obsessionnel, dit la cinéaste : l’idée de se reconstruire sur les vestiges de son traumatisme. Les Haïtiens doivent se construire sur cette terre où ils ont été humiliés, maltraités, réduits en esclavage. Tout comme Freda doit transcender sa colère contre sa mère qui n’a pas su la protéger d’un viol.Je voulais créer une histoire qui deviendrait comme un miroir d’observation pour ceux qui, comme moi, cherchent à comprendre comment habiter ce pays où tant de mal a été fait, comment habiter un corps porteur de tant de blessures. » (interviewée par Manon Ruffel, pour le site web du Festival de Cannes)

Le cinéma de Gessica Généus observe le réel, évoquant, parfois, le style direct d’un Ken Loach, à l’image du débat qui ouvre le film : des étudiants s’interrogent sur la stratégie adéquate pour sauver leur pays, protestation pacifique ou révolution ? Le film « nous offre sa part de quasi-jamais vu, selon Grégory Coutaut (lepolyester.com) : des images rares de Port-au-Prince débarrassées de tout regard occidental, des images de la culture vaudou libérée de la caricature du regard colonialiste, ainsi que certaines scènes saisies au cœur même de manifestations sociales, apportant un puissant effet immersif à souligner. Freda offre aussi tout simplement du rarement entendu : combien de longs métrages en langue créole circulent-ils jusqu’à Cannes et nos écrans ? Exprimer sa langue, c’est à dire à la fois la culture et sa voix, voilà qui est justement au cœur du film. »