Esquisses de Frank Gehry

Sydney Pollack

« Plusieurs fois, on a proposé à Frank de lui consacrer un documentaire. Quand il m’a demandé, à moi, d’en réaliser un, j’ai cru qu’il était devenu fou. Et pas seulement parce que j’ignore tout de la réalisation de documentaire mais aussi parce que je ne connais rien à l’architecture. “C’est pour ça que tu es parfait” a-t-il conclu. » (Sydney Pollack)

Rencontre entre deux créateurs du XX^e siècle, le cinéaste qui a su renouveler le classicisme hollywoodien en y ajoutant sa patte d’auteur engagé, et l’architecte star qui a élevé l’architecture moderne au rang de geste artistique. Fruit de cinq années de travail, mais surtout d’une amitié de plus de vingt ans entre les deux hommes, Esquisses de Frank Gehry est la première incursion de Sydney Pollack dans le genre documentaire. Plus qu’un portrait de Frank Gehry, Esquisses verse du côté de l’essai, déambulation à travers une carrière, parsemée de fragments biographiques et de conversations entre les deux artistes. On y voit l’architecte griffonner sur un coin de table, chiffonner un bout de papier, plier un morceau de carton, découper, assembler, faire, démonter, refaire… Créer et sculpter l’espace, toujours dans un mouvement ample et fluide. Pollack s’est muni d’une caméra numérique, légère et discrète, peu invasive, pour filmer le processus de création.

Si le cinéaste disparaît devant son sujet, il confiera plus tard que Gehry et lui se sont longtemps interrogés sur la possibilité de faire coexister une forme d’expression personnelle et les exigences commerciales inhérentes à leurs disciplines respectives. « Autour des "producteurs" et de la "capacité individuelle de changer le statu quo", Pollack et Gehry tressent des duos révélateurs. “Le cinéma est très semblable à l’architecture” a reconnu Pollack, interrogé par Michel Ciment durant sa très applaudie "Leçon de cinéma" [au Festival de Cannes]. Et sans le souligner explicitement, dans les arcades dorées du Guggenheim Museum de Bilbao ou dans les voiles métalliques du Disney Concert Hall de Los Angeles, Pollack retrouve certaines fugues baroques extrêmes où il avait lancé Bobby Deerfield ou Jeremiah Johnson. » (Lorenzo Codelli, Positif n°545-546, juillet 2006)