Capitaine Conan

Hommage à Bertrand Tavernier

Les Balkans, novembre 1918. Alors que l’armistice est signé en France, seule l’armée d’Orient reste mobilisée et en état de guerre. Casernés à Bucarest, les soldats sèment le désordre, pillent et tuent. Norbert (Samuel Le Bihan), jeune commissaire-rapporteur, reçoit l’ordre de faire condamner les coupables. Mais ces derniers sont les hommes de son ami le capitaine Conan (Philippe Torreton), à qui l’on doit la prise du mont Sokol. Malgré la fureur de Conan, qui défend ses soldats envers et contre tout, Norbert devra faire son devoir.

À la recherche d’un sujet fort, Bertrand Taverniers’allie à Jean Cosmos pour adapter le roman largement autobiographique de Roger Vercel, Capitaine Conan, Prix Goncourt 1934. L’auteur y raconte sa mobilisation en 1914 et son départ en 1918 pour l’armée d’Orient, qui ne sera démobilisée qu’après de longs mois. Les deux hommes travailleront pendant cinq ans sur le scénario, cherchant à rester au plus proche du livre, et en écriront une dizaine de versions.

Tourné principalement en Roumanie, près de la frontière russe, le film montre les conditions inhumaines dans lesquelles les soldats ont combattu et les terribles séquelles psychologiques que cette guerre a provoquées chez eux. Antimilitariste, Capitaine Conan évoque, avec une puissance rare, un épisode méconnu de la Grande Guerre et dénonce la façon dont ce front oublié a été traité par les hauts gradés, alors que l’armistice était signé en France. Ainsi, le film se confronte à la violence des combats et les plans sur le champ de bataille sont d’un réalisme éprouvant. Éclatant de talent, Philippe Torreton, dans une de ses plus belles interprétations, apporte au personnage du capitaine Conan une rage animale, bouleversante de sensibilité.

« Il y a beaucoup de réussites dans ce beau film. La première, c’est d’avoir infusé un ton rageur, un sentiment d’urgence très rare dans les films à costumes réalisés aujourd’hui. Bertrand Tavernier a aussi su éviter à peu près tous les clichés sur la violence. Avec Alain Choquart, son chef opérateur, il a revu La Bataille de San Pietro, le film américain pour la série Pourquoi nous combattons de Frank Capra. Et il s’en est inspiré pour tourner des scènes de batailles, comme dans un documentaire, en laissant une grande liberté à la caméra, donc au regard. Peu partisan d’exalter la guerre, il a aussi refusé le sang qui gicle et les ralentis, qui ont fascinés Stanley Kubrick dans Full Metal Jacket. Il a dédaigné d’enjoliver la réalité. Maintenant en permanence son intérêt sur les jeunes gens envoyés à la boucherie au sud-est de l’Europe, […] il a tourné tout son film à leur hauteur. » (Édouard Waintrop, Libération, 27 septembre 1997)