Posté le 09.10.2021
En observant sa ville, Naples, le grand cinéaste italien Paolo Sorrentino a nourri sa vision du monde et trouvé son style, baroque et spectaculaire.
Son dernier film, La Main de Dieu, est une merveille. Il est au reste de son œuvre ce qu’Amarcord est à la geste fellinienne. Alors que le maestro Federico y revisitait ses souvenirs de gandin de Rimini, Paolo Sorrentino, 51 ans, qui n’a jamais caché ce qu’il devait à Fellini, raconte aujourd’hui sa jeunesse napolitaine. C’est le roman d’apprentissage d’un ado timide au cœur des années 80 alors que le Naples qui s’intéresse au foot, c’est-à-dire tout Naples, attend incrédule puis goûte transi l’arrivée du plus grand footballeur du moment, Diego Armando Maradona.
Sorrentino montre l’aspiration brouillonne qui saisit un jeune homme et devient peu à peu vocation : réaliser des films. Un désir qui se nourrit d’une scène inventée ou reconstituée, seul Sorrentino peut le dire : une rencontre avec le cinéaste Antonio Capuano (pour lequel, plus tard, il écrira un scénario), suite irrésistible de conseils à un jeune artiste – à montrer à tous les jeunes artistes. "Il n’y a que les cons qui vont à Rome, lance l’acteur qui joue Capuano (le vrai est aujourd’hui octogénaire), tu ne vois pas ce qu’il y a à filmer ici ?" Rester à Naples, filmer Naples, en tout cas garder cette "napolitanité" qui explique le style sorrentinien, baroque et spectaculaire – à l’image des trésors artistiques de la ville.
Paolo Sorrentino au stade Diego Armando Maradona de Naples
Curieusement, cet art du grotesque (au sens le plus recherché du mot : un art italien de l’extravagance et de la caricature) s’affirme de film en film. Après un premier film, L’Uomo in più (2001), remarqué en Italie, c’est le Festival de Cannes qui le consacre à l’international en montrant en compétition la plupart des films qui suivent. Il Divo, biographie tonitruante de "l’homo politicus" italien par excellence, le Démocrate-Chrétien Giulio Andreotti, interprété par le grand acteur devenu son partenaire de prédilection, Toni Servillo, obtient en 2008 le Prix du Jury. Salué sur la Croisette en 2013, La Grande Bellezza obtient quelques mois plus tard l’Oscar du Meilleur film étranger : il y observe, en entomologiste souvent cruel, les vestiges de la dolce vita romaine.
La littérature est une influence forte et, notamment, Céline : "Après avoir lu Voyage au bout de la nuit, j'ai appris les astuces scénaristiques qui séduisent les producteurs. C'est le livre fondamental. Lorsque j'écris, mes références littéraires, notamment françaises, sont nombreuses. Ce que je me suis approprié dans le Voyage…, c'est le regard porté sur les hommes, un regard ironique, cynique, désabusé, désenchanté. Mon idée est que le style, avant même d'avoir à faire avec la beauté, doit atteindre quelque chose que je ne peux pas bien définir, mais qui a à voir avec la puissance."
Aurélien Ferenczi
Les Conséquences de l’amour (Le Conseguenze dell’amore, 2004, 1h40)
Comoedia lu11 11h15 | Cinéma Opéra me13 14h30 | Lumière Bellecour ve15 20h30
Il divo (2008, 1h50)
Institut Lumière lu11 17h | Lumière Bellecour me13 20h30 | Cinéma Opéra ve15 19h
This Must Be the Place (2011, 2h)
Lumière Terreaux lu11 19h | UGC Confluence je14 17h30
La Grande Bellezza (2013, 2h22)
Lumière Terreaux di10 19h | UGC Confluence lu11 20h | Villa Lumière di17 10h15
Avant-première :
La Main de Dieu (È stata la mano di Dio, 2021, 2h09)
Pathé Bellecour di10 16h45
Master Class : Comédie Odéon Di 10/10 à 15h15
Les citations sont extraites de Cinema Vivo, sous la direction d’Emiliano Morreale et Dario Zonta.