Posté le 10.10.2021 à 18h00
On croit aimer le cinéma, s’y connaître un peu et puis on trouve son maître, le passionné incollable, l’érudit dont l’énorme appétit va des splendeurs passées (et, il faut bien le dire, grandement méconnues) du cinéma africain aux variations les plus récentes du cinéma d’action hollywoodien. Mark Cousins, irlandais né en 1965, est venu en 2012 au Festival Lumière pour montrer son œuvre monumentale, The Story of Film : An Odyssey, quinze heures d’une histoire du cinéma à la fois complète et atypique, où approches chronologique et thématique se croisent et où, toujours, l’auteur se méfie des chemins tout tracés, par exemple cette idée qu’hors Europe et États-unis, les films réalisés depuis la nuit des temps sont quantité négligeable : « J'ai beaucoup de respect pour les historiens du cinéma, Georges Sadoul en tête, mais ils sont tous occidentaux, et leurs travaux sont racistes par omission. Ainsi, j'ai voulu donner sa place au cinéma africain : le réalisateur sénégalais Djibril Diop Mambety est pour moi aussi important que le Japonais Oshima. Et le cinéma éthiopien ? Si je ne le connais pas, est-ce parce qu'il n'existe pas ? Non, il y a le magnifique Harvest 3000 Years, de Hailé Gerima, qui a sa place dans l'histoire du cinéma. »
Il a désormais complété sa série avec The Story of Film : A New Generation (2021), montré au dernier Festival de Cannes, qu’il présentera cette automne au festival Lumière : il y dévoile les tendances émergentes du cinéma mondial depuis le début du XXIe siècle, et réfléchit à l’évolution d’un art menacé par les plateformes et la prolifération des images. Comme toujours, son savoir considérable s’enrichit d’un sens pointu de l’analyse, qui passe par le montage : choc d’images, décorticage savant de séquences. Plus attiré par la marge que par le centre, il offre des interprétations magnifiques de scènes tirées de Leviathan, du russe Andrei Zvaguintsev ou de An Elephant Sitting Still, du Chinois Hu Bo.…
Mark Cousins présente aussi au festival Lumière 2021 un autre documentaire : The Storms of Jeremy Thomas (2021). C’est le cinéaste-voyageur qui s’exprime ici, capable d’aller filmer la tombe d’Ozu ou le carrefour où Chaplin a tourné Les Lumières de la ville. En 2019, il s’invite dans la voiture du grand producteur anglais Jeremy Thomas qui, chaque année, arpente les routes de France pour se rendre au Festival de Cannes. Jeremy Thomas a produit notamment Le Dernier empereur, de Bernardo Bertolucci, Crash, de David Cronenberg, Tabou, de Nagisa Oshima, parmi près de soixante-dix titres. La curiosité du cinéphile face à l’expérience du producteur : on regrette de ne pas avoir fait le voyage tout entier avec eux !
The Story of Film : A New Generation de Mark Cousins (2021, 2h40)
The Storms of Jeremy Thomas de Mark Cousins (2021, 1h30)