Le sacre de Jane Campion

« Chère Jane, tu as changé ma vie… »


Posté le 16.10.2021


 

D’une Palme d’or à l’autre : c’est Julia Ducournau, sacré à Cannes avec Titane, qui a remis le 13ème Prix Lumière à celle qui avait ouvert la voie, la Néo-Zélandaise Jane Campion. Au terme d’une cérémonie fervente.


C'est une clameur de stade, digne des plus grandes soirée de football qui soudain, s'est répandue comme une traînée de poudre dans les travées de l’amphithéâtre 3000 du Centre des congrès de Lyon et s'est prolongée durant plus d'une minute, pendant que crépitaient les flashs des photographes. Il était presque 20 heures lorsque Jane Campion, immense Prix Lumière de cette 13e édition, est apparue sur l'écran géant puis s'est présentée, accompagné d'un tonnerre d'applaudissements, devant le traditionnel photocall qui ouvre chaque année depuis 2009 la cérémonie.

Bette Gordon et Nan Goldin, invitées à Lyon pour Variety, Luc Dardenne, Prix Lumière 2020 - venu hélas avec le seul portrait cartonné de son frère -, le maître du Giallo Dario Argento ou encore Julia Ducournau et ses comédiens Vincent Lindon et Agathe Rousselle, "palmés" au dernier Festival de Cannes pour Titane : quelques minutes avant l'apparition de la réalisatrice de La Leçon de Piano, un flot quasi ininterrompu de stars du grand écran a fait monter la température au sein d'un public qui n'attendait qu'elles.

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Jane Campion entourée de Nadine Labaki, Irène Jacob et Julia Ducournau
© Olivier Chassignole


Sur scène, c'est Irène Jacob, la toute nouvelle présidente de l’Institut Lumière, qui a ouvert le bal en s’adressant directement à Jane Campion et à son cinéma, qui a su mêler « l’infiniment grand et l’infiniment petit. Quelle fête, quelle joie de célébrer vos films ce soir », a-t-elle lancé au moment de donner le coup d’envoi de la soirée, avant que Luc Dardenne, succédant face au public à la comédienne, a rappelé tout le prestige de ce prix, né dans une ville qui « respire le cinéma jusque dans ses commerces ». Après le slam rythmé du Lyonnais Cyrious, la célèbre Photographe Nan Goldin a commenté quelques-unes des photographies du plateau de Variety qui font l’objet d’une exposition dans le cadre de cette 13e édition, puis la salle a à nouveau été plongée dans le noir pour accueillir un court-métrage inédit d’Agnès Varda.

« En harmonie, il déjoue toute sorte de désaccords… le piano de Jane Campion ». Autre slammeur, pour un autre clin d’œil à la cinéaste : Abd Al Malik est à son tour monté sur scène - accompagné du pianiste Didier Martel - pour lui rendre hommage de ses rimes savamment distillées.

« Chère Jane, tu as changé ma vie, mais aussi la nôtre, a témoigné à son tour la réalisatrice italienne Alice Rorhwacher. Elle a été très différente grâce à toi. Comme tu le faisais dire à l’un des personnages de tes films : la richesse, c’est pouvoir satisfaire l’imagination. Tu nous as fait plus riches de ton imagination. Comme femme, tu es la démonstration qu’on peut être fragile et forte, délicate et sauvage. Tu es pour nous une maestra »,

Puis Julia Ducournau a pris la parole : « On ne s’est jamais rencontrés. Pourtant, depuis quelques mois, elle m’accompagne partout. Il n’y a pas un jour au cours duquel je n’ai pas pensé à elle. Quand j’étais sur la scène du Festival de Cannes en juillet, penser à elle m’a aidé à ne pas ployer sous l’émotion qui me submergeait. J’ai essayé de me mettre à sa place, à la solitude de la première femme. J’ai réalisé que bien avant que je ne devienne femme, elle m’avait déjà, à travers chacun de ses films, sauvé de ma solitude »

« Elle m’a montré que devenir une femme, c’est savoir se battre pour être libre et le rester. Elle m’a montré mon humanité dans ce qu’il y a de plus vulnérable et attachant, montré le pathos et la pitié de mon existence, mais sa beauté aussi. C’est avec amour et une immense émotion que je remets le Prix Lumière à l’immense Jane Campion », a-t-elle ajouté.

 

prix-lumiere-jane-campion-2© Olivier Chassignole

« Je suis très émue par cet hommage. En Nouvelle Zélande, on n’est pas habitué à ça. C’est une grande surprise d’entendre à quel point mon cinéma a touché toutes ces réalisatrices ici présentes.. Le cinéma m’a donné vie et je suis heureuse de pouvoir le rendre. Venir ici, c’est un peu comme venir à Bethléem ! C’est embarrassant de pleurer à sa propre cérémonie. Je suis très touchée de l’accueil que vous m’avez fait à Lyon et de voir que vous aimez le cinéma autant que je l’aime », a déclaré Jane Campion.

Benoit Pavan

 

 

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