Posté le 09.10.2021
Bertrand Tavernier n’est peut-être plus là mais il est encore partout.
Hier encore, dans mon salon, je redécouvrais en Blu Ray un des sept westerns que Budd Boetticher réalisa avec Randolph Scott, le mal aimé Décision à Sundown (que vous connaissez peut-être sous le nom à rallonge et franchement pas possible : Le vengeur agit au crépuscule). La crinière blanche de Tavernier est logiquement apparue à l’issue du générique. C’est un fait, vous ne pouvez plus regarder un western de l’âge d’or sans que le regretté cinéaste-cinéphile s’invite chez vous en bonus et en gros plan. Quand Bertrand parle, on l’écoute. On boit les paroles de celui qui a forcément vu la merveille avant vous, en a décelé immédiatement la puissance (voire l’impuissance, ça arrive parfois !) et a fait de l’auteur dont il parle, un ami américain.
La Princesse de Montpensier, 2010 © Studiocanal
La voix de Bertrand Tavernier résonne donc entre vos murs. Une fois la messe dite, vous filez illico dans votre bibliothèque pour consulter la bible. Sa bible. Dans Amis américains, Budd Boetticher est bien-sûr là, le temps d’un entretien épistolaire mémorable. Un entretien « transocéanique ». Le français avait, en effet, envoyé au Mexique, une longue lettre avec toute une série de questions à Boetticher. C’est en prison que la missive était arrivée. Budd alors en disgrâce purgeait une peine liée à la faillite de sa société de production en vue de la réalisation d’Arruza. Il se fit apporter un magnétophone et enregistra toutes les réponses. Bertrand Tavernier raconte ça en rigolant dans un des suppléments de Sept hommes à abattre. Les chemins de ses confidences mènent toujours vers d’improbables sentiers. Si les routes principales sont des repères, il convient de s’en écarter pour saisir toute la richesse du récit.
Il en va de même pour les chevauchées. Elles réclament des bosses. La première – et unique - fois où je me suis retrouvé sur un tournage d’un film de Bertrand Tavernier, c’était en 2009, perdu au fin fond du Cantal, à l’ombre d’un château du XIe siècle. Le cinéaste y tournait La Princesse de Montpensier. Et même si Madame de La Fayette avait très peu à voir avec le western américain, entre les prises, Bertrand Tavernier y revenait sans cesse : « Dans le cinéma français, je suis frappé par la quasi-incapacité des metteurs en scènes à filmer des séquences à cheval. Ils choisissent des décors plats, où il est très facile d’évoluer. Dès La Passion Béatrice, je me suis employé au contraire à trouver des terrains accidentés pour suggérer l’effort. C’est l’influence directe des longs métrages de Delmer Daves, Anthony Mann, Budd Boetticher ou André de Toth… » Une image surgit soudain. Peut-être la dernière, celle qui les résumerait toutes : tel un cowboy solitaire, la silhouette de Bertrand Tavernier s’enfonce dans un lointain en Cinémascope. Devant lui, des promesses d’inédits.