Coup de projecteur

La Mort de Belle


Posté le 10.10.2021


 

Une adaptation noire et poisseuse de Simenon, portée par une distribution haut-de-gamme. L’un des meilleurs films d’Édouard Molinaro.


C’est une époque où, de son propre aveu, Édouard Molinaro se cherche. Il a passé la trentaine, réalisé quatre films, dont des polars efficaces qui ont montré son savoir-faire technique. Pourtant, il les trouve vains. Il se compare aux jeunes loups de la Nouvelle Vague, ses contemporains, qui semblent, eux, pleins de leurs propres sujets. Il se demande s’il a quelque chose à dire, s’il ne sera pas toujours un technicien sans âme. Et puis arrive La Mort de Belle, tiré d’un roman très noir de Simenon. L’action se situe aux Etats-Unis, c’est Jean Anouilh, pas le moins prestigieux des scénaristes, qui est chargé de l’adaptation, et transpose l’intrigue dans un autre pays propice au puritanisme, la Suisse.

 

MORT-DE-BELLE

La Mort de Belle, 1961


Soit un professeur trop tranquille, à l’existence aseptisée, qui héberge la fille d’une amie de son épouse : une très jeune et très belle Américaine qu’on retrouve, un soir, assassinée. Le juge d’instruction, satisfait de lui au-delà du possible, en est sûr, c’est cette vie trop rangée, aux pulsions trop réprimées, qui fait du professeur le coupable. La mécanique est implacable : c’est la fabrique d’un assassin… Le luxe de détails porté à l’enchaînement des faits, la description soignée d’un certain milieu social : on retrouve tout Simenon, mais le script n’aurait pas suffi, il faut un cinéaste et un directeur d’acteurs hors pair.

Tous les seconds rôles sont formidables, de Monique Mélinand en épouse résignée à Yvette Etiévant en secrétaire aventureuse, via la beauté entêtante d’Alexandra Stewart. On notera aussi, dans le rôle de la mère de la victime, l’actrice belge Louisa Colpeyn, qui dans la vie était la mère de Patrick Modiano. Mais au cœur de la distribution trône Jean Desailly, qui promène son air hagard, perdu, si domestiqué que sa tentative tardive et dérisoire de vivre pleinement, dans les bars de Genève et des environs, est vouée à l’échec. Difficile de croire que Truffaut n’avait pas vu La Mort de Belle avant de le choisir pour La Peau douce.

A. F.

 


Séances

La Mort de Belle d’Édouard Molinaro (1961, 1h31)
Pathé Bellecour di10 22h | Cinéma Opéra lu11 19h30 | Institut Lumière me13 14h15

 

 

Catégories : Lecture Zen