Prix Lumière J-1

En attendant Jane Campion


Posté le 14.10.2021


 

Patron de la revue Positif et du Masque et la Plume, auteur du très beau livre Jane Campion par Jane Campion (Cahiers du Cinéma), Michel Ciment offre son analyse éclairée de l’œuvre de la cinéaste néo-zélandaise.

 

Peel, 1982

Je suis son cheminement depuis Peel, son court métrage qui décrocha la Palme d’or à Cannes en 1982. Déjà, dans ses courts métrages, elle fait preuve d’un talent exceptionnel, d’un style très singulier et très original. Avec Polanski et Resnais, Jane Campion est la seule dont l’œuvre des courts métrages est aussi réussie que ses longs métrages.

 

Sweetie, 1989

Mères, cousins, mariage, des rapports conflictuels au sein de la famille, des thèmes constants chez elle. C’est un film au sujet étrange, qui met en scène Sweetie, une jeune fille attardée que sa famille rejette, et sa sœur inhibée, troublée par elle. Campion y fait preuve d’un sens du cadrage et de l’image inoubliables, avec une très grande expressivité dans chaque plan. Les premiers films sont révélateurs. Dès qu’un premier film tend à être conformiste, ça augure très mal du futur et avec Sweetie, Jane Campion a prouvé qu’elle était une grande réalisatrice.

 

 

PORTRAIT-DE-FEMMEPortrait de femme, 1996

Un ange à ma table (1990) est un film en trois parties, une sorte de long récit biographique d’une grande écrivaine néozélandaise, Janet Frame, qui retrace son enfance, son voyage en occident, son premier amour. Un récit magnifique, primé à Venise.

 

La leçon de piano (1993)

La Palme d’or ex-aequo en 1993 avec Adieu ma concubine de Chen Kaige. C’est intéressant de penser que les femmes représentent la moitié de l’humanité, que les Chinois représentent un dixième de l’humanité, et qu’aucun n’avait encore reçu de Palme d’or à Cannes. Il a fallu attendre ces deux films !

 

Portrait de femme (1996)

L’histoire d’une femme (Nicole Kidman) qui doit choisir entre des prétendants et qui fait le mauvais mariage. C’est un peu les illusions perdues d’une jeune américaine qui rencontre sa destinée en Europe. Une adaptation de Henry James plutôt mal accueillie à Venise alors que je pense que c’est un chef d’œuvre.

 

Holy Smoke (1999)

Un film que j’aime beaucoup. Peut-être le plus excentrique, et sûrement le moins aimé à cause de cela. C’est un film assez dingue qui correspond aussi au tempérament de la cinéaste casse-cou et joueur chez Jane Campion. 

 

In the Cut (2003)

Une magnifique histoire passionnelle. Une femme est menacée par un tueur et elle se demande si cet homme dont elle tombe amoureuse n’est pas le tueur. C’est un film magistral qui a lui aussi été réhabilité, mais n’a pas été très bien accueilli à sa sortie.

 

Bright Star (2009)

Pour moi, l’un de ses deux ou trois plus beaux films. L’histoire de Keats, le très grand poète romantique, et de son amour pour une jeune femme avant qu’il ne meure à 25 ans de tuberculose. C’est une œuvre très romantique car je pense que Jane Campion ressemble à toutes ces grandes écrivaines anglaises ou américaines du 19e siècle, les poètes comme Emily Dickinson ou Emily Brontë. Une femme qui a le goût de la passion et du lyrisme.

 

Le Pouvoir du chien (2021)

Son dernier film, un western qui a remporté le Lion d’argent à Venise pour la mise en scène et qui était, à mon avis, le chef d’œuvre du festival. Il traite des rapports qui existent entre deux frères quand l’un des deux se marie avec une femme qui devient l’objet de l’hostilité de son frère ainé.

 

Propos recueillis par Charlotte Pavard

 

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