Posté le 12.10.2021
Le philosophe a toujours pensé le cinéma comme un instrument de découverte du monde et des êtres. Notamment dans son célèbre documentaire, Chronique d’un été.
Le cinéma, un art de la complexité (éditions Nouveau Monde) réunit sur plus de six cents pages les impressions de Morin sur le 7ème art. Des écrits inédits ou publiés entre 1952 et 1962, qui révèlent combien le cinéma correspond à l'esprit de Morin, homme qui n'a jamais cessé de relier l'être humain à tout ce qui l'entoure. Le cinéma chez le philosophe souriant, aujourd'hui centenaire, c'est l'homme dans sa vérité complète : celle de la réalité, et celle de ses imaginaires. Comment pense l'autre ? Comment vit-il ? Le cinéma est un des chemins pour le deviner. Morin, adepte de la transdisciplinarité, qui semble avoir trouvé avec le cinéma sa voie populaire pour à son tour relier au monde sa pensée et son être. Tout est important, les films, les acteurs, les cinéastes, leurs idées, notamment sur l'amour, d'abord vécu au cinéma comme une solution idéalisée, puis lors d'un temps plus adulte, cher à Ingmar Bergman, Federico Fellini, ou Michelangelo Antonioni, comme un passionnant problème.
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À la même période que ces écrits, Morin agit et décide de vivre lui-aussi l'expérience cinématographique avec Chronique d'un été co-réalisé en 16 millimètres avec le documentariste et ethnologue Jean Rouch en 1961. Cette oeuvre dite de "cinéma vérité" est une déambulation au coeur de la France d'alors. Apparaissant à l'écran, le duo Morin-Rouch, en noir et blanc et cigarettes, interrogent des anonymes avec un naturel profondément intéressé. « Comment vis-tu ? Comment est-ce que tu te débrouilles avec la vie ? », sont quelques-unes des questions simples appelant des réponses complexes, posées par les deux réalisateurs. Ils vont même plus loin en demandant à une jeune femme de se saisir d'un micro pour aller dans la rue avec une seule question en poche : « Etes-vous heureux ? » Consultés en son direct, les Français, au phrasé émouvant d'une autre époque, répondent de façon multiple.
Chronique d'un été est comme ses auteurs, un film de la complexité, mais complexité parfaitement compréhensible. Dans l'intimité de gestes professionnels, des salariés dénoncent des contremaitres qui les harcèlent de façon vraiment dégueulasse. Et tout à coup un jeune homme d'Afrique noire, évoque sa vie en France avec une douceur magnifique alors que ses conditions de vie sont très dures. Vivre en France, dans le Paris du travail, ou le Saint-Tropez ensoleillé, deux villes où est tourné le film, est le grand sujet de Chronique d'un été, où Français et étrangers sont amenés à se parler, échanger en total écho avec notre époque.
Virginie Apiou
Séances :
Chronique d’un été de Jean Rouch et Edgar Morin (1961, 1h31)
Lumière Terreaux ma12 10h45| Institut Lumière je14 14h45 | Comoedia ve15 10h45
Nous avons le regret de vous informer de l’annulation de la venue d’Edgar Morin au festival Lumière. Les projections de Chronique d’un été sont bien sûr maintenues.