Coup de projecteur

La Divine croisière


Posté le 14.10.2021


 

Au crépuscule du cinéma muet, Julien Duvivier signe un drame maritime éblouissant.

La période muette de Julien Duvivier (1896-1967) est lentement redécouverte et réhabilitée – mais elle reste étonnamment survolée dans les ouvrages de référence comme, par exemple, le Dictionnaire Mondial du Cinéma, chez Larousse. La Divine Croisière, sortie en juin 1929, année où le cinéaste tourne trois films (!) montre pourtant une puissance narrative et visuelle incroyables, que le cinéma sonore mettra quelques années à retrouver. C’est l’époque où, pour le dire vite, le cinéaste alterne adaptations littéraires (Zola, Jules Renard, Henry Bordeaux) et films religieux (La Vie miraculeuse de Thérèse Martin, 1929) que sa propre absence de foi rend plus universels encore. Tourné en partie dans un village de Bretagne, La Divine Croisière tient à la fois de la fable pieuse et, ce qu’on préfère, de la légende locale : elle raconte le sauvetage d’un navire marchand qu’un armateur sans scrupules a sciemment envoyé pour un voyage au long cours, auquel son mauvais état ne pouvait résister…

 

DIVINE CROISIEREHenry Krauss dans La Divine Croisière, 1929

 

Tout est étonnant dans La Divine croisière : la splendeur des cadres, notamment des mouvements de foules en plongée, d’une prodigieuse richesse ; des gros plans sur des visages, d’une précision hallucinante, qui précipitent littéralement le spectateur d’aujourd’hui quatre-vingt-dix ans en arrière ; un montage ultra-cut emprunté, sans doute, au cinéma russe. Mais aussi la puissance d’incarnation des acteurs : Henry Krauss en armateur devenu capitaine d’industrie, d’une férocité sans limite envers ceux qu’il emploie ; Jean Murat en Capitaine au grand cœur ; l’inquiétant Thomy Bourdelle (qui joua Juve pour Feuillade) en marin mutin – dont la fin, en montage alterné sur l’idylle des jeunes premiers, a de quoi surprendre. Bref, une sacrée révélation !

 

Aurélien Ferenczi

 


Séances :
La Divine croisière de Julien Duvivier (1929, 1h36)

Pathé Bellecour je14 18h45 | Villa Lumière ve15 11h15


Restauration inédite de Lobster Films avec le soutien du CNC, à partir d’une copie nitrate abrégée et teintée, et de quatre éléments parcellaires 35 mm des collections de la Cinémathèque française, et avec des plans censurés extraits de copies des collections du Eye Filmmuseum et Lobster Films.

Parution prochaine d’un coffret DVD regroupant plusieurs films muets de Julien Duvivier, dont La Divine croisière, chez Lobster Films 

 

Catégories : Lecture Zen