Ça se passe

à Lumière


Posté le 12.10.2021


 

Samuel Le Bihan présentant Capitaine Conan de Bertrand Tavernier

Capitaine Conan est un film incroyable, cela a été mon premier grand rôle. A l’époque, j’étais à la Comédie Française et je n’avais que des petits rôles. On jouait Occupe-toi d'Amélie de Feydeau. L’un des acteurs principaux, Thierry Hancisse, s’est blessé et on m’a demandé de le remplacer : j’ai dû apprendre 300 pages de texte en 3 jours ! Bertrand Tavernier est venu voir la pièce et il a apprécié, il a pensé à moi pour le rôle du lieutenant Norbert, cela tient à ça la magie des rencontres.

On est parti trois mois en Roumanie, c’était quelques années après la chute de Ceaușescu, le pays était en train de se reconstruire. Mais c’était compliqué, d’un jour à l’autre on ne savait pas si on allait pouvoir tourner. Il y avait beaucoup de marché noir, je me souviens que le responsable de la cantine du tournage était parfois suivi car il avait de l’argent sur lui pour pouvoir acheter au marché la nourriture. Il y a eu aussi beaucoup d’intempéries à cette période, c’était sport, ce tournage !

Bertrand aimait bien venir nous voir le matin avant les répétitions, il voulait savoir ce que l’on avait imaginé, ce que l’on voulait proposer pour chaque scène. Et puis il adaptait ça pour le tournage et le découpage. J’adorais passer du temps avec lui aussi en dehors des prises, je mangeais avec lui tous les jours. Bertrand a un savoir infini et un amour incroyable du cinéma, j’aurai rêvé d’avoir un professeur comme lui à l’école. C’est quelqu’un qui ne parlait jamais de lui, son intimité, il la racontait à travers son cinéma. Son mode de communication, c’était le cinéma. Cet amour, on le sentait dans sa façon de faire des films.

Au début, j’avais du mal à jouer le personnage de Norbert, j’étais un peu chien fou, je voulais jouer de manière plus physique. Bertrand m’a aidé, avec beaucoup de patience et de tendresse, il m’appelait « mon lapin » et cherchait des mots tendres pour me faire accepter ce personnage. Je comprends aujourd’hui quel cadeau il m’a fait en me donnant ce rôle.

 

samuel-le-bihan-loic-benoit
© Loic Benoit

 

Danièle Thompson présentant Le Désordre et la Nuit, de Gilles Grangier :

« Gilles Grangier représentait à l’époque exactement tout ce que la Nouvelle Vague a voulu et réussi à tuer : un cinéma méprisable, pensaient certains critiques des Cahiers du Cinéma, avec toutes les vieilles méthodes, les vieux comédiens et les vieux clans. Par rapport aux Carné et autres Duvivier, stars de leur époque, Grangier était aussi un peu méprisé par la profession car il réalisait plusieurs films par an. C’était un faiseur.

Le film montre un Gabin alors âgé de 54 ans mais qui a tout l’air d’un vieux monsieur. Ce que je trouve passionnant, c’est son côté crépusculaire. Alors qu’on a souvent reproché à Grangier de ne se concentrer que sur l’histoire, Le Désordre et la Nuit est davantage un film d’humeur, d’ambiance étrange dans lequel il est fascinant de voir le Paris de l’époque, comme dans tous les films de Grangier. Il y a cette musique de jazz très présente. Le film aborde également une question qui l’était peu à l’époque : celle de la drogue et de l’addiction. C’était une première dans le cinéma français ».

 

daniele-thompson-loic-benoit
© Loic Benoit

 


Propos recueillis par Laura Lépine, Benoit Pavan

 

Catégories : Lecture Zen