1971 : Naissance de la Blaxploitation


Posté le 30.09.2021 à 9h26


 

Des cinéastes noirs ? Cherchez bien dans l’histoire d’Hollywood, ça ne court pas les studios. A l’aube des années 70, heureusement, l’histoire est en marche, dans le sillage du mouvement Black Power, hélas stimulé par l’assassinat de Malcolm X. Il y a, et ça compte aux Etats-Unis, une viabilité commerciale : une population afro-américaine désireuse d’avoir ses propres héros. C’est donc parti pour la « blaxpoitation », un mot-valise composé de « black » et de « exploitation » - le « cinéma d’exploitation » désigne des films de genre tournés à la chaîne, sans ambition artistique affichée, et balancés dare-dare dans les salles les plus populaires.

Le mot, né sous la plume d’un journaliste afro-américain, est censé être péjoratif : car les polars de la « blaxploitation » sillonnent les bas-fond de la ville, ont pour héros des maquereaux ou des malfrats, ce que le journaliste juge être des stéréotypes offensants. Mais le public s’en moque et adopte ces héros peu respectables mais pas irréalistes. Il n’est pas encore de temps d’aller visiter le Wakanda sur les pas de Black Panther…

La bonne nouvelle, c’est que la « blaxploitation » met le pied à l’étrier à des cinéastes qui, jusque-là, n’ont pas eu voix au chapitre. Melvin Van Peebles (né en 1932) est un autodidacte qui a bourlingué en Europe – notamment à Paris, où, invité par Henri Langlois, il passa plusieurs années, rédigeant romans et pièces de théâtre – avant de repasser par la case Hollywood. Il finance en indépendant (en partie avec de l’argent prêté par Bill Cosby !) Sweet Sweetback's Baadasssss Song où il joue et fait tout lui-même – y compris les scènes de sexe : l’histoire d’un gigolo élevé dans un bordel qui fuit la police et croise les Black Panthers… Sorti en avril 1971, le film, qui a coûté 500 000 dolars, en rapporte 15 millions…

Trois mois plus tard, sortie de Shaft – les Nuits rouges de Harlem, de l’ex-photographe Gordon Parks (1912-2006), où Richard Roundtree joue un « privé » de Harlem aux prises avec une guerre des gangs qui tourne au conflit racial… Le génial morceau funk d’Isaac Hayes n’est pas pour rien dans le succès du film.

Les films de la « blaxploitation » sont audacieux, parfois kitsch avec leur look « seventies » qui fait de pauvreté vertu, ils donnent surtout une image de la société américaine et des relations inter-raciales bien plus réaliste que le cinéma « blanc ». Ils vont influencer un paquet de cinéastes, à commencer par un grand ami du Festival Lumière, j’ai nommé Quentin Tarantino…


Sweet Sweetback's Baadasssss Song de Melvin Van Peebles (1971, 1h37, int – 16 ans)

Shaft - Les Nuits rouges de Harlem de Gordon Parks (Shaft, 1971, 1h51)

 

 

 

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