Master class : Paolo Sorrentino

« Le parcours de cinéaste est jonché de refus »
 


Posté le 11.10.2021


 

Dimanche, le cinéaste italien Paolo Sorrentino a dompté son éternelle timidité pour se raconter devant les spectateurs de la Comédie Odéon. Où il a évidemment été question de sa filmographie, de Toni Servillo, son acteur fétiche, de football et de Naples, sa ville natale.

 

SUR SON MÉTIER DE CINÉASTE
J’ai compris que le conflit est la seule chose qui stimule la créativité. La paix, au contraire, l’endommage. Le seul conseil que je donnerais à quiconque souhaite devenir réalisateur, c’est d’être obsédé par la persévérance, car le parcours de cinéaste est jonché de refus. Ils seront toujours plus nombreux que le reste.

SUR SON STYLE
On me dit souvent que mon cinéma est stylisé. Pourtant, l’histoire et le rythme sont pour moi ce qu’il y a de plus important dans un film. Je ne pense pas avoir un style, mais davantage un rythme qui se répète de film en film. Toutefois, il est vrai que je choisis aussi une histoire parce que je sens qu’elle va être visuellement intéressante à adapter.

Paolo Sorrentino Chassignole © Olivier Chassignole

SUR LE FESTIVAL DE CANNES
Les Conséquences de l’Amour n’avait pas été bien accueilli à Cannes. Je me souviens que durant la projection, Quentin Tarantino, qui présidait le jury, avait ri pendant toute la durée du film. À tel point qu’on a cru qu’on allait décrocher la Palme d’or ! Mais il avait visiblement ri pour tout autre chose !

SUR LA POLITIQUE
Je ne connais pas grand-chose à la politique. Les films politiques ne m’intéressent pas. Ce qui m’intéresse, c’est l’humanité derrière ces hommes de pouvoir. Parfois, un film naît de peu de choses : pour Il Divo, on m’avait raconté que Giulio Andreotti fermait les yeux quand on lui parlait. J’ai trouvé que c’était une anecdote intéressante pour faire un film.

SUR LE FILM CHARNIÈRE
Il Divo a tout changé pour moi. C’est peut-être le seul qui me rend fier et qui a changé la confiance que j’ai en moi. Mais tourner La Grande Bellezza a été très divertissant. J’ai accueilli la reconnaissance internationale du film avec un sentiment de joie et de peur car j’avais vu nombre de réalisateurs primés devenir extrêmement paresseux. Cette reconnaissance a été pour moi tout à fait inattendue.

SUR SA COLLABORATION AVEC TONI SERVILLO
Avec Toni, on aime rire des mêmes choses et des mêmes personnes. Les tournages, c’est donc l’occasion pour nous de rire ensemble ! On partage aussi une certaine inconscience. On a toujours réalisé ensemble des films courageux, avec des personnages à la limite de la caricature. Toni est l’un des rares qui arrive à suivre des choix qui relèvent de mon inconscient. Dans La Main de Dieu, il joue mon père et il a littéralement inventé son personnage car je n’étais pas en mesure de lui expliquer qui était mon père. Je ne l’ai jamais compris.

Propos recueillis par Benoit Pavan

 

Catégories : Lecture Zen