Le Grangier du jour

La Vierge du Rhin


Posté le 12.10.2021


 

C’est le début d’une amitié et le début d’une métamorphose.

L’amitié, c’est celle qui, à partir du tournage de La Vierge du Rhin, va unir Gilles Grangier et Jean Gabin. Ils se sont déjà croisés, avant-guerre, quand Grangier était assistant et tout le cinéma français cohabitait dans les mêmes studios, déjeunait aux mêmes cantines : le salut poli est devenu plus chaleureux à mesure qu’ils se découvraient des passions communes, notamment pour le vélo. Presque quinze ans ont passé : la carrière de Gabin n’a pas tout à fait retrouvé son lustre d’avant-guerre, Grangier est passé à la mise en scène, tournant à la chaîne des comédies inégales.

On propose à Gabin son nom – parmi trois – pour réaliser La Vierge du Rhin. Gabin le choisit, et les voilà partis en extérieurs, faisant ensemble, après chaque journée de travail, la tournée des auberges le long du Rhin, puis à Strasbourg, où l’équipe a posé ses bagages. Grangier fait désormais partie de la petite bande « à Gabin », qui l’appellera pour toujours « le Gilles ». Ils tourneront douze films ensemble.

 

VIERGE DU RHIN
Jean Gabin et Elina Labourdette


La métamorphose, c’est celle du réalisateur de comédies en cinéaste plus ambitieux : La Vierge du Rhin, roman de Pierre Nord (ancien militaire dans le renseignement, auteur de nombreux récits d’espionnage) est adapté par Jacques Sigurd, scénariste pour Yves Allégret ou Marcel Carné (que Truffaut associera à Aurenche, Bost et quelques autres dans son manifeste contre la « Tradition de la Qualité »).

C’est une histoire de retour et de vengeance, entre Le Colonel Chabert et Le Comte de Monte-Cristo – version contemporaine. Gabin est un entrepreneur, patron de plusieurs péniches qui arpentent le Rhin, chargeant et déchargeant des marchandises ; porté disparu pendant la seconde guerre mondiale, victime d’une machination, il revient pour trouver son épouse remariée, et sa société au bord de la faillite. Grangier s’accommode de cette noirceur inhabituelle : l’un de ses choix forts est de tourner en extérieurs, sur le Rhin ou au port autonome de Strasbourg, ce qui garantit une certaine authenticité.

Autre originalité (due au récit mais sans doute accentuée par Sigurd et Grangier), le rôle des femmes, qui finissent par dicter quasiment sa conduite au personnage assez passif joué par Gabin : Nadia Gray et la regrettée Andrée Clément (morte à 35 ans à l’aube d’une solide carrière) face à Elina Labourdette, que Gabin jugeait trop snob, mais qui prête sa beauté autoritaire à son personnage de femme fatale. Une belle redécouverte.

 

Aurélien Ferenczi

 


Séances :

La Vierge du Rhin de Gilles Grangier (1953, 1h22)
Comoedia ma12 11h15 | Pathé Bellecour me13 14h | Institut Lumière ve15 19h15 | UGC Confluence di17 11h15

 

 

Catégories : Lecture Zen