Posté le 13.10.2021
J’avais déjà croisé l’ours. Ou à peu près. En fait, Brian de Palma et moi, ça tient plutôt du rendez-vous manqué.
La première fois devait avoir lieu au Festival américain de Deauville en septembre 2007 où le cinéaste américain présentait Redacted, film-critique sur l’intervention américaine en Irak. Un scud lancé à la face du cinéma qui pouvait s’envisager comme une relecture d’Outrages, œuvre majeure -mais encore mésestimée - de sa filmographie dont on peut découvrir au festival Lumière un "director’s cut". Bref, en 2007 sur les rives de la station balnéaire normande, l’ours m’a échappé au profit d’un Lion. Un Lion d’Argent qu’il lui a fallu récupérer en quatrième vitesse à une Mostra de Venise ayant le mauvais goût de se dérouler au même moment.
Je suis donc resté sur le carreau avec mes questions que j’ai finalement pu poser des mois plus tard par téléphone. C’est à ce moment-là que j’ai entendu parler de sa prétendue mauvaise volonté face aux journalistes. Mon combiné dans les mains, je n’en menais pas large. Ayant toutefois décidé que tout se passerait bien, j’ai envoyé des flèches que de Palma a eu la gentillesse de ne pas transformer en missiles. Nous avons parlé de la guerre bien-sûr, mais aussi des cicatrices laissées par Outrages justement, film dont il semblait encore porter les blessures (échecs, controverses et un sujet grave qu’il avait décidé de traiter sans fard...). Quelques années plus tard, lors d’une master-class à la Cinémathèque Française, Brian de Palma ne pourra d’ailleurs pas retenir ses larmes à l’évocation douloureuse dudit film, preuve si besoin est, que l’ours n’en est pas vraiment un.
Outrages (director’s cut), 1989
Par téléphone en 2007 donc. Dans mon salon en 2013. Virtuellement s’entend. L’écran de mon ordinateur posé dans le salon, a soudain vu en gros plan, le visage barbu de grand homme. J’étais donc aussi un peu chez lui à New York. 2013, il s’agissait de la sortie de Passion. Passion où l’auteur de Blow Out ou de Body Double renouait à la fois avec les thrillers tortueux ayant fait sa légende et la musique du compositeur italien Pino Donaggio, l’homme des mélodies à la mélancolie onctueuse. « Justement, comment guide-t-on un musicien sur un film ? » Brian de Palma m’a demandé d’attendre. Il a pris une tablette numérique posée devant lui, effectué une recherche. J’ai reconnu tout de suite les premiers accords d’In the air tonight de Phil Collins sortant des enceintes. Vous savez ce morceau coupé en deux à 3 minutes 40 secondes précisément, par un break de batterie tonitruant. Soit peu ou prou l’art du split-screen adapté à un morceau de musique. Je n’en revenais pas d’écouter du Phil Collins dans mon salon, avec de Palma en dj. « Voilà ce que j’ai dit à Pino, m’a expliqué Brian en coupant Phil, « Je veux le même mood ! » Et qu’importe si Pino ira à l’opposé pour structurer sa partition de Passion, il faut bien partir de quelque chose, quitte à s’en écarter.