Posté le 09.10.2021
Programmatrice de l’Institut Lumière et du Festival Lumière, Maelle Arnaud nous présente l’édition 2021 et s’enthousiasme de la curiosité du public lyonnais.
Comment qualifier le programme de l’édition 2021 du festival Lumière ?
Beaucoup de découvertes et de voyages dans des cinémas très différents ! C’est un peu l’objectif que l’on vise à chaque édition, montrer comment partout dans le monde à différentes époques, les gens se sont emparés du cinéma à leur manière, sur des sujets variés et universels. C’est particulièrement vrai cette année, par exemple entre les titres de la section Trésors et curiosités, des films plus méconnus de Gilles Grangier, et la découverte du cinéma de la Japonaise Kinuyo Tanaka.
Il y a encore tellement de films à découvrir – ou redécouvrir -, notamment parce que tous les pays n’ont pas eu les mêmes rythmes dans la mise en valeur de leur patrimoine. Environ cent quatre-vingts restaurations ont postulé à la section Lumière Classics, c’est plus que d’habitude et c’est le reflet du dynamisme constaté partout dans le monde sur les questions de sauvegarde et de diffusion du patrimoine… Tous les émerveillements sont possibles : j’ai été subjuguée par la beauté de La Divine croisière, un film muet de Julien Duvivier.
Le Désordre et la Nuit de Gilles Grangier (1958)
Quel est le rôle du festival dans cette expansion ?
Il y a contribué. Le moment est favorable : avec le numérique, le DCP [le format numérique qui permet la projection en salles, NDR] rend plus commode les questions de sous-titrage et les télévisions comme les plateformes achètent des droits de films de patrimoine. Aujourd’hui, les distributeurs et les ayant droit acceptent de lancer des restaurations pour le festival et ils savent que, notamment grâce au Marché international du Film Classique, ils pourront faire des ventes sur de nombreux territoires. C’est un cercle vertueux. Ainsi, la plupart des films de Gilles Grangier n’étaient pas en DCP avant qu’on ne décide de les programmer : ils ont été soit restaurés, soit simplement numérisés. Mais c’était le cas aussi des films de Jane Campion, peu étaient disponibles en DCP. Grâce au festival, ces films vont être à nouveau présentés en salles à travers la France.
Pourquoi rendre hommage à Sydney Pollack ?
A l’Institut Lumière, nous avons envie de montrer le cinéma américain des années 70, dont les auteurs ont souvent commencé dans la décennie précédente. On aimerait aussi rendre hommage à Sidney Lumet ou Alan Pakula. Mais là encore, ce n’est pas si simple. Les gens ont une proximité avec les films de Sidney Pollack parce qu’ils existent en dvd, que certains passent à la télé. Mais on ne les a pas vus en salles depuis des décennies, parce que le matériel n’était pas disponible. Les "majors" hollywoodiennes nous ont aidé à rendre ces projections possibles.
Out of Africa, de Sydney Pollack (1985)
Quelles leçons avez-vous tirées des programmations précédentes ?
Une fois que le programme est révélé au public, c’est précieux de suivre le remplissage des séances et de mesurer la curiosité des gens. Cela renforce l’idée de l’éclectisme : on voit que la section Grands classiques en noir et blanc, dont on pourrait penser que certains films sont aujourd’hui connus et vus, est aussi indispensable que Trésors et curiosités. Nous rassemblons un public assez large, différent dans ses attentes, qui a désormais confiance dans la programmation. Les gens ont envie de participer à un événement qui marche bien dans leur ville, quoi qu’on leur propose. À moi aussi, il m’arrive d’aller à l’aveugle voir un spectacle à la Biennale de la Danse. Il est désormais clair qu’en termes de raretés, d’audaces de programmation, on peut tout se permettre. Les salles montrant des films de Gilles Grangier n’auront pas la même composition de public que celles qui passent la trilogie Infernal affairs, mais il y a davantage de mélange qu’on ne le pense. La curiosité du public est bien réelle !
Propos recueillis par Aurélien Ferenczi