Posté le 09.10.2021
Acteur, réalisateur, homme de radio, interprète fidèle et vaillant de Patrick Modiano, Edouard Baer est tout cela, et plus encore...
Baer, l’acteur
Premiers et seconds rôles, participation amicale, l’acteur Édouard Baer aborde chaque personnage avec la même sensibilité, sans hiérarchie. C'est peut-être pour cela que des cinéastes comme Frédéric Jardin, Laurent Tirard, Claude Miller, ou Pascal Bonitzer lui ont été fidèles. Toutes les classes sociales et tous les tons sont admis avec Baer : jovial et dépassé dans La lutte des Classes (Michel Leclerc, 2019), petit intrigant faux et formidablement antipathique dans Molière (Laurent Tirard, 2007), voix légère dans Les herbes folles (Alain Resnais, 2008) ou photographe tendre dans Raoul Taburin (Pierre Godeau, d'après le génial Sempé, 2019)...
En 2018, Baer se mue en Marquis des Arcis, séducteur égotiste, dans Mademoiselle de Joncquières (Emmanuel Mouret). L'acteur joue l'état de violence d'un séducteur touché par l'amour, avec une force qui ne passe pas par les hurlements, mais par le précipité soudain de mots : "il faut que j'ai cette fille-là, ou bien que j'en périsse". Admirable adaptation de Diderot, Mademoiselle de Joncquières est l’un des plus beaux rôles embrassés par Baer. L'acteur passe de la désinvolture aristocratique la plus naturelle à la tension impressionnante d'un homme qui ne s'embarrasse plus de rien d'autre que de sa douleur sentimentale.
Édouard Baer et Cécile de France dans Mademoiselle de Joncquières, 2018
Baer, le cinéaste
"Quoi qu'il arrive ne vous inquiétez pas, des gens comme nous, dans la vraie vie, ça n'existe pas !", menace Jeanne Moreau en mafieuse inattendue de Akoibon, réalisé par Edouard Baer en 2005. Baer réalisateur, c'est la création d'un cinéma qui, avant lui, n'existait pas. C'est une ode au collectif hétéroclite et accueillant, peuplé de personnages qui veulent y croire malgré tout, et qui pour cela travaillent leur style et leurs théories sur tout. Ils sont Luigi, Daniel, Chris... Ce sont des êtres en fuites perpétuelles, statiques ou mobiles, aussi nocturnes que diurnes, qui n'ont jamais rendez-vous, "je laisse faire le hasard" proclame Luigi dans Ouvert la nuit (2017). Ses personnages forment un grand mezze où tous les physiques, tous les milieux sociaux, tous les âges sont invités à se joindre à une danse très personnelle car très précisément composée.
Adieu Paris ! que Baer vient de réaliser, est une nouvelle agitation entre messieurs, Balzac qui aurait croisé Lewis Carroll, soit les portraits fous et détaillés d'un groupe d'hommes cruels, drôles, lâches, minutieux, âgés, pingres et généreux à la fois, qui croient en la fatigue, l'amour, l'amitié et la dépression pourvu qu'elle soit magnifique. Avec un amour très poétique pour les pères adoptifs, le regretté Jean Rochefort en tête, Edouard Baer cinéaste, n'idéalise jamais rien pour autant, à part peut-être une notion d'espoir total, sans nostalgie. Chacun de ses films vit sur cette énergie de l'enthousiasme. Tout est un appel, une envie, et ça peut partir loin, le plus loin possible...
Virginie Apiou
Les films
Ouvert la nuit d’Edouard Baer (2017, 1h37)
Lumière Terreaux lu11 14h30 | UGC Confluence lu11 21h45
Mademoiselle de Joncquières d’Emmanuel Mouret (2018, 1h49)
Pathé Bellecour di10 19h
Adieu Paris ! d’Édouard Baer (2021, 1h45)
Institut Lumière di10 14h30 | Comoedia lu11 21
Master Class
Comédie Odéon Lu 11 15h15