Coup de projecteur

Él - Tourments


Posté le 10.10.2021



Tourné en 1953 durant la première étape mexicaine de Luis Buñuel, Él -Tourments, propose un portrait clinique et parfois comique d’un jaloux maladif. 

 

« Peut-être est-ce le film où j’ai mis le plus de moi-même ».  Avec les femmes de sa vie, Luis Buñuel fut d’un genre protecteur à l’excès. Méfiant, jaloux comme un tigre à l’occasion, interdisant par exemple à son épouse Jeanne Rucar de sortir de chez eux lorsqu’il était absent. Et pourtant, le temps d’un film, il eut la force de rire de ses travers de macho maladif : Él (“Lui”, distribué en France sous le titre de Tourments) offre le portrait de Francisco Galvan, un grand bourgeois qui tombe follement amoureux de Gloria, une femme croisée pendant la messe, qui va devenir le révélateur de son délire paranoïaque.

Le scénario s’inspire d’une histoire vraie, mais permet au cinéaste espagnol d’y déployer toute sa fantaisie érotico-névrotique, au fil de séquences où brille son goût de la provocation et son attrait pour le fétichisme des pieds, qu'il développera plus tard. La bourgeoisie et l'Église en prennent pour leur grade évidemment, a fortiori lorsqu’ils récriminent Gloria, qui a forcément dû “mal agir”.

 Mais ce n’est pas le coeur du propos. Bunuel, qui avait étudié un temps l’entomologie, voulait d’abord se livrer à travers le film à une étude de cas psychiatrique et observer son personnage assurait-il “comme je l'aurais fait d’un insecte”. Jacques Lacan trouverait d’ailleurs le long métrage suffisamment bien documenté pour le projeter en cours à ses élèves en psychiatrie.   Él- Tourments doit beaucoup à l’interprétation emphatique et au sens propre "démente" d’Arturo de Córdova, tour à tour séducteur, sadique, lâche et finalement pitoyable. Mais toujours si imprévisible ; comme lorsqu’il manque de précipiter son épouse du haut d’un clocher, mais plaide avoir juste voulu plaisanter. Le génie réside alors dans cette manière glaçante de vider le mélodrame de son caractère et de le guider sur le chemin du sarcasme. La folie du personnage n’en devient que plus patente. Et littéralement spectaculaire.

 

Carlos Gomez

 

 

 


Séances

 

Él – Tourmentsde Luis Buñuel (Él, 1953, 1h32)
Villa Lumière di10 11h15 | UGC Confluence ma12 14h | Cinéma Opéra sa16 19h30 | Pathé Bellecour di17 10h45

 

 

 

Catégories : Lecture Zen