Posté le 17.10.2021
C’est le film le plus connu de Jane Campion, une magnifique histoire d’émancipation féminine tournée dans des paysages sublimes. Voici quelques secrets de fabrication de La Leçon de piano.
Ada
Avant de choisir Holly Hunter pour le rôle d’Ada, cette jeune femme muette qui débarque au bout du monde avec son piano, Jane Campion a pensé à plusieurs actrices : Sigourney Weaver, Jennifer Jason Leigh et même une actrice française, qui déclara, dix ans après le film : « J'ai rencontré Jane Campion à l'époque. Je n'étais pas la seule, elle ne savait pas exactement ce qu'elle voulait. Elle pensait à quelqu'un comme Anjelica Huston, qui a un physique très différent de celui de Holly Hunter ou de moi. Elle a pris des photos de moi façon XIXème siècle... J'ai senti qu'il était difficile de la suivre à la trace comme l'a fait Holly Hunter, qui, lorsqu'elle a entendu parler de ce projet, s'est procuré le scénario et s'est préparée à se battre pour le rôle. C'est une histoire typiquement américaine, une petite leçon pour moi, ma leçon... de piano. » C’était Isabelle Huppert.
Production
« Quand, un après-midi à Sydney, j’ai vu les courts métrages de Jane Campion, j’ai été comme frappé par la foudre. J’ai perçu qu’il y avait un auteur, une œuvre en devenir. Je n’ai pas eu à me triturer l’esprit pour le savoir ; c’était, comme trente ans plus tôt, l’évidence de Preminger, de Mizoguchi, d’Ida Lupino… » Ces mots sont de Pierre Rissient (1936-2018), immense cinéphile, découvreur de talents et ami fidèle du festival Lumière. Non content de contribuer aux sélections cannoises des premiers films de Jane Campion, c’est lui qui convainc la société française de Francis Bouygues, Ciby 2000, de produire le film.
Harvey
Harvey Keitel apprit à parler Maori pour le film, et en savait plus que la plupart des figurants. Ses partenaires de jeu n’ont pas tari d’éloges sur la personnalité attentionnée de l’acteur, à l’encontre de ses personnages habituels. Il exprime une facette tendre peu exprimée par lui jusqu’alors au cinéma. Par souci de réalisme, les (nombreux) tatouages qu’il porte ont été réalisés par un vrai tatoueur Maori.
Holly Hunter et Harvey Keitel
© DR
Musique
« Ada ne possède pas un répertoire extérieur dans lequel elle peut puiser, a expliqué l’Anglais Michael Nyman, qui a signé la bande originale du film, sa musique vient de l'intérieur. Je devais donc créer la musique comme si c'était elle qui l'avait créée. C'est comme si j'avais écrit la musique d'un autre compositeur qui aurait vécu en Écosse, puis en Nouvelle-Zélande, au milieu des années 1850. Quelqu'un qui, de toute évidence, n'était pas un compositeur ou un pianiste professionnel, et qui devait donc faire preuve de modestie. » L’album reprenant la musique Michael Nyman a été un succès mondial.
Paysages
Le film a été tourné en terre maorie, au nord de l’île du Nord de Nouvelle-Zélande dans la province de Coromandel, où Jane Campion a passé son enfance, montant à cheval dans un grand esprit de liberté. Des paysages sauvages à couper le souffle. Le film montre aussi comment les Maoris subirent l’avidité des colons britanniques vis-à-vis de leurs terres. « Je voulais créer chez le spectateur un sentiment d’effroi devant le pouvoir des éléments naturels, explique Jane Campion. C’est, je crois, l’essence du romantisme : ce respect pour la nature considérée plus grande que vous-même, votre esprit ou même l’humanité ».
Elle joue du piano (debout) sur la plage
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Générique
Le film est dédié à Edith, la mère de Jane Campion et il se clôt sur deux mots : « kia ora », soit « merci » en maori. L’ensemble du tournage a été envisagé dans une approche « biculturelle », respectant le peuple Maori.
Récompenses
Jane Campion a été la première femme à remporter, avec ce film, la Palme d’or au Festival de Cannes (1993). Il faudra attendre 18 ans avant que le phénomène ne se reproduise avec Julia Ducournau et Titane en 2021. On oublie trop que cette année-là Holly Hunter a également reçu le Prix d’interprétation. Quelques mois plus tard, La Leçon de piano obtenait aussi trois oscars – meilleur scénario, meilleure actrice pour Holly Hunter, meilleur second rôle féminin pour la (très) jeune Anna Paquin.
Charlotte Pavard