Posté le 10.10.2021
François Cluzet a tenu l’un des rôles principaux d’Autour de Minuit (1986), le grand film de Bertrand Tavernier sur le jazz, illuminé par la présence du saxophoniste Dexter Gordon. Le comédien se souvient.
« Bertrand était un passionné, un amoureux du cinéma, un grand cinéaste. Je mesure la chance que j’ai eue qu’il me confie ce rôle, un rôle de fan mais aussi d’homme bouleversé par la musique d’un compositeur. Je sais que Jean Cosmos lui avait parlé souvent de moi. Je ne me souviens pas de la première rencontre avec Bertrand, mais très bien de celle avec Dexter Gordon : on était à New York, il a ouvert la porte, j’ai été obligé de lever mon regard, il mesurait 2 mètres. Et puis Dexter a beaucoup parlé et sa femme m’a regardé : « François, vous comprenez ce qu’il a dit ? Là, je panique, qu’est-ce que je leur réponds ? J’ai dit : non. Elle m’a répondu : « oh vous savez, même ses amis ne le comprennent pas ». J’avais bien fait d’être sincère ! Avant le tournage, Bertrand m’avait prêté des disques, mais je connaissais déjà le trompettiste Éric Le Lann, qui joue dans le film. Sur le plateau, Bertrand était très heureux d’avoir réuni des pointures du jazz, et comme il n’avait pas envie de les décevoir, il était très concentré sur ce qu’il attendait de chacun, très heureux aussi des surprises que les musiciens lui offraient. Il y avait quelque chose d’amoureux dans ce film, l’amour du jazz pour Bertrand, la connaissance qu’il en avait et tout à coup la réalisation de ce projet qui lui tenait tant à coeur. Quelle chance, aussi, de côtoyer Alexandre Trauner et ses décors dans les studios d’Épinay ! Le film nous a rendus amis, Dexter et moi. En jouant simplement les situations une amitié est née, comme celle entre Bud Powell et le Français Francis Paudras, qui avait inspiré le film. Bertrand et moi, on ne s’est pas revus. Il y a quelques années, je lui ai envoyé un message, en lui disant à peu près : je ne sais pas si c’est le succès, ou si c’est le temps, mais maintenant je sais qui est grand, et qui ne l’est pas. J’étais peut-être trop jeune pour comprendre la difficulté à faire ce film. Je crois que ma lettre lui a fait plaisir. »
Autour de Minuit, 1986
Propos recueillis par A. F.
Autour de minuit de Bertrand Tavernier (’Round Midnight, 1986, 2h13)
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