Coup de projecteur

30 minutes de sursis


Posté le 09.10.2021


 

Le premier film de Sydney Pollack, rarement montré, est servi par deux magnifiques acteurs, et un suspense en temps réel.


C’est une femme qui erre dans Seattle, au milieu de ses hauts buildings modernistes, puis à la plage qui longe la baie. Il y a des accents antonioniens dans ce personnage en perdition, même si, jusqu’à un certain point, la psychologie reprend ses droits : la « desperate housewife » joué par Ann Bancroft est dévastée par le désamour de son mari, à la suite d’un mensonge longtemps gardé, tout à coup dévoilé. Alors, elle s’est posée dans une chambre d’hôtel, elle a pris des cachets et attend la mort. Mais elle a tout de même appelé un centre de soutien – un SOS détresse local – et le stagiaire bénévole qui a décroché, joué par Sydney Poitier, n’a maintenant qu’un but, la garder en vie. Entre eux, un « fil ténu », (le « slender thread » du titre original de 30 minutes de sursis) celui du téléphone, celui de leur conversation qu’il faut faire durer le plus longtemps possible.

C’est le tout premier film de Sydney Pollack, 31 ans à peine. Il a mis de côté sa carrière d’acteur et Burt Lancaster l’a poussé : « Tu dois devenir metteur en scène. » Alors, Pollack a passé quatre ans à enchaîner pour la télévision la réalisation d’épisodes de feuilleton, histoire de s’aguerrir. Il y a affirmé ce qui va devenir sa force : la direction d’acteurs. Pollack a ainsi la chance d’hériter pour ses débuts de deux comédiens récemment oscarisés : Ann Bancroft et Sydney Poitier, qui ne se croiseront jamais sur le plateau, et jouent avec puissance leur quasi-monologue… Il réussit aussi le tour de force narratif du film en temps réel (les flash-back sur elle sont censé illustrer le récit de sa vie qu’elle fait à son interlocuteur au téléphone).

 

TRENTE MINUTES DE SURSISTrente minutes de sursis, 1965


C’est une histoire tirée d’un article de Life, chroniquant une hausse des suicides de femmes aux États-Unis et Pollack en soigne aussi la puissance documentaire : tout est fait pour identifier au plus vite – le temps d’un film – d’où vient l’appel. Il y a ainsi un plan sur un central téléphoniques, des milliers de connections, de « fils ténus » ; il y a aura quasiment le même dans Les Trois Jours du Condor, dix ans plus tard. La mise en scène, éternel recyclage…

 


Trente minutes de sursis (The Slender Thread, 1965, 1h38)
Institut Lumière sa9 17h15 | Comoedia lu11 14h | Pathé Bellecour me13 10h45

Catégories : Lecture Zen